Étincelant soleil, fraîche brise sous la nuque. Cette journée était plus que parfaite. Nous, on était full equip et on dévalait la 50 à tombeau ouvert, direction Montebello. Au loin là-bas, le monstre nous attendait et nous étions de plus en plus impatients de lui serrer sa gigantesque pince d’acier et de s’engouffrer au plus profond de ses tripes, le couteau entre les dents.
Première surprise: ben voyons..y’a personne. L’autoroute: libre. La route principale: un brin encombrée mais, à peine. En comparaison avec les heures passées à se dessécher le gosier dans l’interminable lignée de rafiots immobiles de l’an dernier, on est ailleurs.
Nous y sommes donc enfin, sans trop de souffrance, à déambuler dans les rues de la jolie bourgade infestée de punks et de poils de toutes allégeances. Le bonheur. Arrivés sur le site, tournons l’oeil vers l’heure et réglons notre point de départ. Et c’est parti.
Premier arrêt, et non le moindre, préparons les tympans pour les violentes rafales post-hardcore de The Dillinger Escape Plan. Quoi!? Mais où est Greg Puciato? Il est caché quelque part derrière les montagne d’amplis, c’est pas possible, il va bondir sur la scène comme l’espèce de déchaîné qu’il est. Et non. Pas de chanteur. Il est pris aux douanes, semble-t-il. La douleur est amère et il semble que ses acolytes aient eux aussi, par le fait même, un peu perdu leur entrain si caractéristique. Ce sera partie remise donc.
On se transporte donc, toujours débordants d’expectatives, vers la scène principale où s’installe le groupe ska-punk Goldfinger. Les californiens nous avait promis de nous gâter cette année après avoir dû déclarer forfait à la dernière minute lors de l’édition 2014. Ils étaient prêts, souriant à s’en fendre les joues, mais bordel: on entend rien! Veuillez me le pardonner, mais aucune formulation ne le rend aussi bien: le son était à chier. Et disons que ça nous a fait un peu peur pour tout ce qu’il restait encore à venir. Mais bon, heureusement, au final, c’était eux le problème. Dommage, tout de même.
On avait ensuite rendez-vous avec une légende vivante du metal moderne, nul autre que la voix des défunts mais toujours aussi porteurs, Pantera: le sieur Phil Anselmo. Depuis quelques années, Anselmo se fait aller la luette avec une bande de rockers néo-orléanais émérites sous le nom de Down, aux côtés de membres de Corrosion of Conformity, Crowbar et Goatwhore entre autres. Le talent est là, ça y a aucun doute. Ça bûche à souhait, mais on dirait qu’on reste avec un espèce d’arrière-goût “panterien” remâché et comme aplani. Il manque la flamme, la touche qui définirait une identité propre à leur offrande. Mais ça y est presque.
Entre deux prestations, on grimpe sur le toit de l’auberge. De là-haut, la vue du site est absolument splendide. C’est là qu’on a pu vraiment sentir l’ampleur de l’évènement. De minuscules humains par dizaine de milliers, entrant en immenses grappes sur le tarmac sous le chant dissonant des multiples scènes parallèlement en action. Impressionnant. On y retourne, c’est Bad qui commence!
Les vétérans de la scène punk californienne Bad Religion s’alignaient sur la grande scène. Les gars ont une brochettes d’hymnes rebelles hallucinantes et se les faire aligner une à une ne peut être que jouissif, mais on les a déjà senti plus allumés. Le son était parfait, mais aucun signe de hargne à l’horizon. Faut dire qu’ils vieillissent les boys et ça se sent un brin.
S’annonçait ensuite l’un des grands moments de la fin de semaine. Les piliers du nu-metal Deftones nous avait annoncé qu’ils nous offriraient leur album classique Around the fur d’un bout à l’autre. Et, ils l’ont fait, sans broncher, avec l’énergie du diable. On les sentait flottant, menaçant, au bord de l’explosion, et puis la détonation et l’ouragan. D’une puissance inouïe. Et au moment où Chino Moreno est descendu mettre feu lui-même à la foule, c’est le site tout entier qui s’est enflammé. Là, ça y était pour vrai.
Petite pause et nous étions de retour pour le point d’interrogation du week-end. Qu’allaient donc nous réserver ces icônes de la scène électro-industrielle? Reconnus pour leurs prestation-chocs hautes en couleur, les canadiens de Skinny Puppy ne laissent habituellement personne indifférent. Comme de fait, leur performance fut un ovni. La scène, un théâtre psychotique au coeur duquel l’incroyable artiste-performer et chanteur Nivek Ogre s’est transformé en créature masquée, plantant des seringues géantes et phosphorescentes dans ses membres ensanglantés. D’autant plus troublant quand on sait que leur ancien comparse Dwayne Goettel est mort la seringue dans le bras. Déstabilisant à souhait.
Était prévue à ce moment le retour de The Offspring. Malheureusement pour eux, nous leur avons fausser compagnie sans regarder derrière car là-bas au fond, des bêtes s’apprêtaient à nous assaillir et nous n’allions manquer ça pour rien au monde. Raised Fist. Enfin. Directement de leur nordique contrée suédoise, leur nouvel album From the North est tranchant comme jamais. Ils nous ont livré une performance pure, vraie et finement aiguisée avec une énergie brutale, une fronde incomparable. Si le hardcore a un nom, c’est le leur.
Vint ensuite notre première rencontre du week-end avec un monument. Partout autour du globe, le grand Al Jourgensen est respecté, admiré pour le son qu’il a créé, qu’il a fait évolué au fil des décennies de distorsion et qui le transcende encore aujourd’hui à l’aube de son soixantième. En effet, Uncle Al mène encore Ministry d’une main de maître dans un son profondément lourd, tout en demeurant d’une parfaite fluidité. On sent toute l’ampleur de leur cauchemar, ils nous hantent, nous maltraitent psychologiquement. Du grand art.
Avaient la tâche de clôturer cette première journée de festivités, les multi-platinum mega-stars Linkin Park. Mais quand ils se sont mis à verser dans le trance, dans un espèce d’électro lancinant sans grande saveur, on a senti la foule compacte se désagréger tranquillement. Les lourdes grappes se détachant de la masse avant de se fondre dans la froide nuit.
Et nous, on a bouclé ça en engouffrant un fumant pad thaï au son des bonnes vieilles ritournelles punk des Descendents, bien installés sur le perron. Si le vendredi s’était avéré plutôt intense, le samedi s’annonçait monstrueux. Au dodo mon coco.
[Suite à venir sous peu…]