Kurt Vile & the Violators @ Théâtre Corona – L’art de vivre
Ça faisait un léger bail qu’on n’avait pas traîné dans le coin. La p’tite Bourgogne et sa belle dame vibrent d’un beau feu depuis une couple d’années, un beau feu crépitant qui sans éclater en artifices, est bien entretenu et ne manque pas de réchauffer le coeur quand on lui laisse le temps de s’y poser un peu.
Et la raison de notre visite de ce soir était loin d’être la moindre. Kurt Vile était en ville, mesdames, messieurs. La dernière fois qu’il était passé, on l’avait manqué de peu. Cette fois on n’allait pas se laisser avoir. On s’est pointé longtemps à l’avance et adossés sur le stage, on l’a attendu avec la patience tranquille des convertis. Faut dire que le gars nous laisse pas trop le choix d’y croire. Il est moulé dans la trempe d’une légende.
Je crois que c’est la première fois que je le sens aussi fort que ça, qu’on est les chanceux dont les jeunes seront jaloux dans trente ans quand on va leur raconter avoir vu ce mec et sa guitare dans une petite salle, un banal soir de février, le jour où il incarnera le culte qu’il promet de devenir.
Pour nous attendrir, on nous avait concocté un p’tit plat exotique aux arômes, ma foi, assez particuliers. Deux oiseaux, moustachus et chevelus à souhait. L’un penché sur son luth (George Xylouris, véritable mythe de la musique crétoise) et l’autre, avachi derrière un drum dépouillé (le fabuleux batteur jazz Jim White). Et ça jam mon ami, ça jam en malades. Les gars sont des as, possédant leur instrument à la perfection, ça y a pas de doute, mais de toute évidence, on y est allé un peu fort sur le raki backstage et Mononcle Whity est un ti-peu chambranlant. C’était pas leur meilleure disons.
Entre ensuite en scène le personnage. Élancé, tout pâle, une longue tignasse ambrée lui couvrant le visage. Quelques mots balbutiés, une gorgée et c’est parti.
Alternant le rock psychédélique et le country-folk de mains de maîtres, Vile et ses Violators flottent sur un nuage. Les boys sont sur le trip, ils sont partis ensemble sur ce son des seventies et ont touché à son essence. Ils n’en sont jamais descendu depuis, flottant quelque part entre le son d’un jeune Neil Young déglingué ou des Grateful Dead des premières heures. Ils n’imitent pas par contre, ils sont, en eux et au-delà de tout effort. Et ça c’est solide.
Bien appuyé sur la colonne, ma tête dodelinant doucement au rythme de sa guitare. Et y a pas que moi, la foule au grand complet est sur le mode méditatif. Devant l’imminence d’une salle archi sold-out, j’anticipais l’écrapouti et autre poussaillade en tous genres, mais rien de tel ne fut. Tout le monde à son aise, comme dans le salon. Pas un mot plus haut que l’autre. Nous étions des disciples privilégiés à quelque pieds de cet être habité de l’aura du mystique.
Bien que quand on regarde sous son épaisse muraille de nattes, on sent encore en cet homme, le gamin rêveur, introverti et on se dit que ce soir, il pense aux jocks qui furent jadis ses bullies, en esquissant un sourire satisfait à cette foule en extase. Au final, cette vie sera la sienna et elle sera magnifique.