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Juxtapoz consacre son dernier numéro au groupe Beastie Boys

La dernière édition de la revue Juxtapoz se concentre sur les Beastie Boys et plus particulièrement sur les artistes visuels ayant gravité autour d’eux au cours de leur carrière: le graffiteur Haze, le photographe et ami Ricky Powell, Mike Mills, Bruce Davidson, Arabella Field (elle fut la première a capturer les jeunes Beastie boys durant leur période Hardcore au tout début des années 80) ainsi que plusieurs autres créateurs. On en apprend autant sur la création de l’oeuvre gigantesque ayant servi pour la pochette de To The 5 Boroughs par l’artiste Matteo Pericoli que sur la fresque Gaia créée par l’artiste Alex Grey que l’on peut admirer à l’intérieur du livret de Ill Communication.

Dans la partie consacrée à la conception de la pochette de l’album Check Your Head, Adrock, nous révèle que le titre de l’album vient en fait d’une collection de cartes de type Cartes de Baseball, achetée lors des sessions d’enregistrement, ayant pour thème les généraux de Georges Bush père pendant la Guerre du Golfe. Trouvant amusante l’allure goofy d’un des généraux sur l’une des cartes, celui-ci décide de l’afficher sur un des murs du studio et de lui épingler un chèque sur le front. « On devrait nommer l’album Check Your Head à cause de ce mec ».

Plus tard, un de leur vieil ami, le photographe Glen E. Friedman, qui les a suivi pendant leur tournée avec Run DMC et Madonna dans les années 80 ( et plus reconnu pour son travail avec les skateboarders), leur rend visite en Californie pendant le week-end de la Thanksgiving. Friedman passe du temps avec le groupe qui lui fait alors écouter les bandes pas encore masterisées de ce que sera Check Your Head. Friedman s’excite. « Ok les mecs, je veux shooter votre pochette ! Que vous voulez-vous ?! » MCA lui répond « Tu sais la photo que tu as faite pour Minor Threat pour leur album Salad days, je veux NOTRE version de ça. » Il s’agit de la célèbre photo du groupe originaire de Washington D.C. où on les voit assis sous le porche de la maison du label Dischords, fixant l’objectif. «  Ok les gars, c’est comme si c’était déjà fait. » «  Mais comme tu le sais, lui réplique MCA, on a déjà notre image pour la pochette. On shootera seulement pour le plaisir demain ».

Peu importe, Friedman leur demande de se pointer le lendemain matin avec leurs instruments: une basse, une guitare et un sac en papier avec des baguettes de drum à l’intérieur. « J’avais en tête cette image d’eux au tout début des années 80 déambulant dans les rues de New York se rendant à une pratique avec leurs instruments à la main». Il fait quelques photos d’eux en train de marcher dans les rues de Los Angeles avant de s’arrêter pour souffler un peu. Il ne reste que trois prises sur sa pellicule et il souhaite s’en débarrasser rapidement afin de pouvoir recharger son appareil avec un nouveau film et continuer la session plus sérieusement par après. Friedman déclenche alors distraitement trois fois l’obturateur sur Adrock et MCA assis sur le bord du trottoir avec leurs instruments de musique à leurs côtés et Mike D avec son sac en papier contenant ses baguettes entre les jambes. La première est une mauvaise composition, sur l’autre on voit MCA qui sourit à la caméra alors que les deux autres adoptent une attitude opposée, puis finalement une dernière où le groupe semble ignorer totalement l’objectif à part MCA qui fixe la caméra tout en se cachant la bouche avec la main. Rien de très concluant. Fin de la session.

De retour à New York, Friedman tire les photos issues de cette séance impromptue. Son attention se porte sur celles où le groupe pose assis nonchalamment sur le trottoir. Étonnement , elles sont fantastiques. Sans aucune attente, il décide d’envoyer l’une d’elles par Fax aux Beastie Boys. La réponse du groupe est immédiate: « On est en deadline en ce moment, mais nous adorons la photo. C’est le cover ! »

C’est cette version de la photo que Friedman a envoyée par fax qui se retrouve sur le cover de l’album Check Your Head.  Le band, dans l’urgence, ne prend même pas le temps de lui demander qu’il leur fasse parvenir un tirage original et de meilleure qualité par la poste. « Sur la version vinyle, si l’on regarde bien, on peut voir les pixels et que ça vient d’une feuille de fax», confirme le photographe. Haze y ajoute ensuite sa griffe en signant le célèbre handwritting de la pochette.

Le style low-fi de la couverture capture parfaitement le son du disque où se mélangent hardcore, grooves funk et rap sous une couche bien sale de distorsion. Elle mettra également au goût du jour la skateboard fashion: pantalons larges, Adidas Gazelles et Stan Smith’s, tuques en laines portées en plein été, t-shirts vintage. Les Beastie Boys sont alors dans l’air du temps et dictent le cool en cette année 1992. Côté ventes, Check Your Head cartonne et propulse à nouveau les trois MCs de Brooklyn vers les sommets du palmarès après le cuisant échec commercial de leur opus précédant, l’immense Paul’s Boutique. Les Beastie Boys remportent alors un pari qui n’en était plus un: tout simplement sortir un disque et réussir à demeurer encore présent dans le paysage alors que l’on ne donnait plus cher de leur peau quelques mois auparavant.