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NOFX, Rihanna et Simple Plan (ou le Punk Rock qui se meurt)

« Music written from devotion / Not ambition / Not for fame » – NOFX, Dinosaurs will die

J’adore le punk rock. Cette musique fait partie de moi. Elle m’a permis d’exploser lorsque j’en avais besoin, elle m’a permis de crier (ce que je ne pouvais crier) lorsque c’était nécessaire, elle m’a permis de comprendre, de grandir, de me défouler, de danser, rire, jouer du air guitar en étant défoncé, mais surtout, elle m’a permis d’être bien, simplement, à plusieurs moments de ma vie. Ce juste équilibre de mélodie entraînante, d’indignation renfermée et de propos dénonciateurs, c’est le punk rock dans toute sa splendeur, dans toute sa beauté.

The money you spend on running shoes could feed me for a week / Your plans are laid so well you can’t even sleep / Pursuit of happiness got your life locked under martial law / You got everything to lose so you’re paranoid about some fatal flaw (Operation Ivy – Healthy Body)

Cause I’m a 21st century digital boy / I don’t know how to live but I’ve got a lot of toys / My daddy’s a lazy middle class intellectual / My mommy’s on valium, so ineffectual / Ain’t life a mystery? Yeah (Bad Religion – 21st Century Digital Boy)

On l’oublie : le punk rock est une nécessité sociale.

Bien sûr, on préfère le reléguer aux oubliettes car il empeste de sa sublime odeur notre proprette société. Le punk rock projette l’odeur obligatoire et nauséabonde de la vie, ses parfums enragés, mais ô combien doux également, avec ses lourdeurs et ses légèretés, avec ses injustices et ses inégalités, ses imageries provocantes et senties, et ses éternels doigts d’honneur souriants. J’adore la punk rock.

En écoutant The Decline de NOFX cette semaine, je me suis simplement demandé : mais où donc est la relève des bands punk rock qui ont si finement alimenté les fondations musicales des années 70, 80 et 90?

The Clash, Sex Pistols, Black Flag, Dead Kennedys, Operation Ivy. Et tant d’autres. Merde. Cette richesse musicale est-elle en déclin, vraiment? Cette fondation pamphlétaire bâtie au fil de chansons dérangeantes n’a-t-elle pas semé suffisamment de graines pour que poussent d’autres voix rauques dénonçant les injustices? Vraiment?

God save Martin Boorman and nazis on the run / They wasn’t being wicked God that was their idea of fun / God save Myra Hindley God save Ian Brady / Even though he’s horrible and she ain’t what you call a lady (The Sex Pistols – No One Is Innocent)

I wish I had a schilling / For every senseless killing / I’d buy a government / America’s for sale / And you can get a good deal on it / And make a healthy profit / Or maybe, tear it apart / Start with assumption / That a million people are smart / Smarter than one (NOFX – The Decline)

Mais bon.

Le site français Closer Mag annonçait justement cette semaine que Rihanna est devenue blonde platine suite à sa séparation. Intéressant. Son album Unapologetic est d’ailleurs en vente à dix dollars sur walmart.ca. Avis aux intéressés.

On s’éloigne.

Le punk rock est associé à la dénonciation adolescente, justifiée dans une certaine optique, mais il apparaît sans contredit que cette perception minimise l’impact réel que possède ce mouvement musical. Cette musique rapide et cinglante à l’occasion, souvent servie par des chansons de moins de deux minutes, avec une instrumentation simple, communique cette nécessité sociale qui se perd de nos jours : des messages chargés politiquement, des cris du fond de l’âme, une désinvolture assumée, un nihilisme désarmant, et ce, en prime, avec le sourire en coin malgré l’indignation. Pour les adolescents uniquement, vraiment? Faites-moi rire. Nos adultes n’ont-ils pas besoin de hurler de temps à autre? Allez.

The Ramones, NOFX, Minutemen, Anti Flag, Propagandhi, Les Vulgaires Machins, Descendents. Et tant d’autres. Merde. A-t-on vraiment réussi à nettoyer la continuité de cette idéologie anti autorité et de cette attitude contestataire? L’anticonformisme – nécessaire à la santé mentale de la société – prend vie à travers ces bands qui crèvent souvent de faim, à travers ces bands qui se sont battus pour la cause, non pour la gloire, et ce plus souvent dans l’ombre que sous les projecteurs. Music written from devotion / Not ambition / Not for fame.

Mais bon.

On apprenait justement que Simple Plan a été couronné en début d’année du prix Personnalité de l’année du Programme Excellence La Presse/Radio-Canada. On les félicite. Leur album Get Your Heart On est d’ailleurs en vente à douze dollars sur walmart.ca. Avis aux intéressés.

Donc?

Il existe une relève punk rock sans aucun doute, mais est-ce celle souhaitée? La relève actuelle donne l’impression d’un punk rock mou, paresseux, et surtout racoleur de l’industrie musicale commerciale. Est-ce cette relève qui assurera la pérennité des réelles racines punk rock, des valeurs dénonciatrices et de la profondeur de tous ces bands qui se sont démenés pour nous réveiller? Nous ne pouvons que le souhaiter. Il n’en reste pas moins que l’image de ces nouveaux petits bands punk rock proprets à l’allure L’Oréal ne laisse présager rien de bon. Vivement le contenu. Et merde à la dépendance à l’image.

Can you see the flag rising up beyond the smoke / Of dying authors burning books there was a problem with what they wrote / The flag is hard to read because all flags start to look the same / When covered with the blood of the faithless and insane (Operation Ivy – Missionary)

Screeching Weasels, Bouncing Souls, Minor Threat, Swiggin’ Utters, Bad Religion. Et tant d’autres. On se demande bien ce que ces vieux punk rockers pensent du virage musical du mouvement auquel ils ont si habilement participé.

Hum.

Ils doivent sûrement acheter Unapologetic ou Get Your Heart On sur walmart.ca pour se défouler un peu.

Le mot « punk » est, depuis très longtemps, utilisé communément pour décrire « un jeune escroc, un voyou, un truand ». La musique punk rock respire à plein nez cette définition. Et même s’il est tout à fait normal que ce mouvement musical ne soit pas à grande portée populaire, il n’en reste pas moins qu’il a son rôle.

Ce rôle nécessaire de déranger, de réveiller, de dénoncer, de crier. C’est pour cette raison que nous en avons besoin.

Fat Mike, Johnny Rotten, Joe Strummer, Sid Vicious, Joey Ramone, Greg Graffin, Milo Aukerman, et tous les autres, en sont forcément convaincus : une vraie relève est nécessaire. Même pour ceux qui détestent le punk rock.