Nous vivons dans un monde où la connexion est une propriété intrinsèque de notre vie. Les médias sociaux, la technologie et internet nous rendent, à leur façon, dépendant de cette connexion à cette vie qui défile rapidement. Cette impression que tout va trop vite n’est-elle pas un dénominateur commun à tous, peu importe l’âge et le rang social ? L’existence, pour tous, devient un spectacle continu que nous avons peur de manquer, et nous devenons les acteurs de ce temps qui défile. Condition particulière de notre époque certes.
La technologie est nécessaire. Elle ouvre des portes et facilite de multiples facettes de nos réalités. Elle nous permet un accès hors norme à l’information et une rapidité d’exécution pertinente. Et c’est très bien ainsi. Seulement, au-delà de la raison d’être de cette technologie, son utilisation est-elle toujours saine ?
Un simple constat : je poste sur mon mur Facebook que je suis entrain de boire un bon vin en cuisinant avec mes enfants, donc je vis. Je n’appelle pas un proche pour partager avec lui ce moment de bien-être, non, je le poste publiquement, donc je suis plus en vie.
Bon.
Cela faisait quelques années que je n’étais pas allé pêcher. La pêche, cette activité si pure et si simple, qui est au fond un prétexte parfait à tout le reste : décrocher, se reconnecter, oublier, se rappeler, revenir à l’essentiel, boire, dormir, se retrouver, rire, se perdre, vivre le moment. Je me suis offert la réserve faunique de Portneuf, un coin de paradis typiquement québécois, avec trois vieux potes. Ce fut un long week-end mémorable, parsemé de dizaines de péripéties, entre la pluie et les discussions en faisant la vaisselle, entre l’observation des étoiles sur le quai et le réveil à 6am, entre les grosses truites et les jeux de société en après-midi. Bref, week-end hors du commun.
Dans le secteur du Lac Samson où nous étions, il n’y avait aucun signal. Aucun. Pas une seule barre de réseau. Je ne me souviens pas la dernière fois où je n’ai pas eu un accès technologique à la société. Pas de courriel. Pas de texto. Pas de Facebook. Pas d’Instagram. Pas de Twitter. Chaque moment que nous avions, nous l’avons vécu libre de toute connexion. Il n’y avait que nous, le lac, nos discussions, les chaloupes, nos conneries, les huards, nos fous rires, les paysages, nos débats, les truites, nos silences. Nous. Nous, et rien d’autre.
Le bonheur, quoi.
La technologie est notre outil de prédilection. Elle nous tient accroché et nous donne ce sentiment faux d’exister, d’avoir une place dans le territoire collectif. Fausse représentation? Hum. Progrès technologique, surabondance des médias, ère numérique, et compagnie, tout cela ne participe-t-il pas au fond à créer un malaise collectif, celui d’un bouleversement non assumé d’une société qui vieillit mal? Oui sur le fond à la connexion virtuelle et à l’ère numérique, bien sûr. Mais quel est le prix à payer pour leur sur-utilisation? Ou leur mauvaise utilisation plutôt?
Une perte d’identité?
Une perte d’humanité?
Une perte des sens innés?
Une perte de la compréhension de ce qu’est réellement la vie?
Voilà : je poste sur mon mur Facebook que je suis entrain de bouffer une poutine chez Ti-Oui à St-Raymond avec mes potes en me rendant à la pêche, donc je suis. Non, je ne vis pas le moment présent, je le poste publiquement, donc je suis plus en vie.
Et si on s’éloignait un peu?
Chaque matin, j’allais sur le bord de l’eau pour observer la beauté que m’offrait le lac Samson, le paysage, le huard, la luminosité, l’immensité naturelle, toute cette œuvre d’art, et je me demandais pourquoi cette tranquillité me déstabilisait. Je n’ai pas la réponse. Reprise de contact avec ce qui nous échappe. Reprise de contact avec le temps. Reprise de contact avec la liberté. Le tangible. Le simple. Le vrai. Contremouvement étonnant s’il en est un.
Un mot : déconnecter.
Sens #1 : débrancher, rompre la connexion entre les appareils.
Sens #2 : perdre le sens de la réalité.
J’opterais pour le numéro 2.
Et s’il était question de perdre le sens de la réalité virtuelle pour retrouver la réelle? Le vrai, la vraie vie, ce que je suis fondamentalement, avec mon monde, avec mes valeurs, avec les gens que j’aime, avec ce qui compte. Pour ralentir enfin, pour réussir simplement à laisser le temps passer. Pour retrouver ce que j’ai oublié. Pour revenir les pieds sur terre. Pour me retrouver. Pour réussir à voir ce qui m’entoure.
Voilà, je porte un jugement, et je le fais de façon assumée : au bord du lac Samson, je ne peux pas lire sur Twitter ou Facebook que machin a telle opinion superflue sur tel truc, ou qu’il partage telle inutilité, ou qu’il présente telle photo futile. Et c’est très bien ainsi. Je vis le moment qui passe et je l’écoute, le regarde, le sens, le vis, l’analyse, le savoure.
L’identité et l’humanité n’ont rien à voir avec cette connexion. Être connecté est bien, mais les fondements et le sens inné du relationnel humain n’y grandissent tout simplement pas. C’est un fait. Et on l’oublie.
S’isoler n’est pas nécessairement la solution, mais cela représente certes une piste de réflexion sur ce que nous sommes et sur la façon dont nous vivons en tant que société avec la technologie comme outil de prédilection. Je vous recommande ainsi très modestement de prendre une pause de votre réalité virtuelle afin de remettre les choses dans leurs perspectives. Peu importe la façon.
Et surtout, ne postez pas vos réflexions, appelez votre ami pour lui en parler. Ou encore mieux, appelez votre ami pour lui parler de votre post Facebook.
Je suis entièrement d’accord. De plus en plus, je m’interroge fortement sur la place que prennent les réseaux sociaux dans notre vie, moi, l’Instagrammeuse/Facebookeuse/blogueuse compulsive. S’isoler n’est peut-être effectivement pas une solution, mais c’est une nécessité selon moi.
Cette année, j’ai constaté que désormais, il me serait nécessaire de réserver 1 semaine de mes vacances dans un endroit où je serai coupée de tout: courriels, Instagram, Facebook… Pas facile quand on lit sur iPad – la tentation est toujours là, à deux doigts, littéralement.
En plus de s’interroger sur la fréquence et le temps que les réseaux sociaux prennent dans notre vie, on peut aussi s’interroger sur le pertinence de la majeure partie des publications: photos de bébé jusqu’à en avoir la nausée, mots d’esprit du petit dernier, M. Chat dans toutes sortes de situations (mea culpa), une orgie de bouffe sans cesse grandissante (mea culpa… mais pas tant que ça!)…
Je post, donc je suis? Je dirais même que c’est parfois: Je post, donc je suis intéressant.
J’ajouterais toutefois un bémol. Depuis les dernières années (disons les 3 ou 4 dernières), j’ai rencontré un tas de gens passionnants et passionnés… grâce aux réseaux sociaux! Si Réseau Contact semble plus ou moins fonctionner, apprendre à connaître quelqu’un via Facebook, Instagram ou un blog semble avoir un bon taux de succès sur l’amitié! Vous me direz que ces amitiés doivent encore traverser l’épreuve du temps, mais jamais je n’aurais rencontré ces gens autrement.
L’abus des réseaux sociaux entraîne aussi un autre problème selon moi: tout le monde a maintenant une opinion ferme et tranchée qui s’exprime haut et fort. Si c’est dit sur le web, si c’est écrit sur le web, c’est que c’est vrai. Et on ne se gêne pas pour employer des formules assassines pour démolir les positions des autres, tout en prétextant être ouvert à la discussion. Vous êtes neutre, entre les « pour » et les « contre »? Gardez-vous bien d’exprimer votre opinion, c’est la meilleure façon de recevoir une volée de bois vert d’un côté comme de l’autre!
Bref, toute chose est bonne si on en fait usage avec modération.
Merci de nourrir ma réflexion, et de m’avoir permis de l’étoffer. Elle n’est pas terminée: il me reste encore du boulot avant de l’exprimer en 140 caractères.
L’exprimer en 140 caractères…. j’adore.
Merci d’alimenter la conversation…
Vraiment bon texte! J’ai l’impression d’avoir vécu la même chose la fin de semaine dernière étant moi aussi à la pêche totalement couper des ondes cellulaires, Internet et ou autres réseaux de communications. Je me suis tellement ressourcé, un retour avec les éléments essentiels : la nature, le grand air, les conversations animées, le temps de prendre le temps…
Par hasard, j’ai trouvé cette vidéo qui exprime clairement l’onmiprésence de notre besoin de se connecter surtout avec notre téléphone : http://www.nightlife.ca/divertissement/i-forgot-my-phone-une-video-qui-nous-fait-reflechir-sur-lusage-des-smartphones
Merci P-Thomas pour le partage de la vidéo!
Fort intéressant…
Salut Michel-Alex,
Ça fait un bail que je n’ai pas de tes nouvelles mais c’est un réel plaisir de te lire ce matin. Très à-propos, ce billet, car j’était moi-aussi en weekend « déconnecté » la fin de semaine dernière, dans la réserve faunique du St-Maurice, et quel bonheur, en effet!
Faut pas virer fou, avec les médias sociaux, mais savoir doser entre le réel et le virtuel, les vraies relations et celles qui se résument à un retweet…
Bonne semaine,
Frédéric
Frédéric, ça fait plaisir d’avoir de tes nouvelles… 🙂
Le dosage réel-virtuel : l’équilibre, l’harmonie – c’est capital.
Et ça nous appartient en effet.
à+
Merci encore pour ce beau texte!
Connecté ou pas, on a tous besoin de se sentir vivant. On oublie parfois que l’on a cinq sens et qu’il agréable de s’en servir!
Bonjour Michel Alexandre,
Je suis le papa de Karim et j’ai lu avec intérêt votre billet que je partage sur le fond comme sur la forme.
Le temps s’est contracté dans notre mental et nous courrons pour lui redonner son élasticité; c’est la raison de votre évasion (notre évasion) au bord du lac sans connections électroniques mais connectés de visu avec vos amis. Bravo!
Mais, jaouterais une chose qui aide dans cette evasion salutaire, la lecture d’un bon livre dont les pages sentent la fibre de bois (même recyclé).
Je passais l’an dernier dans une ruelle de Paris et, sur un banc, un carton de vieux livres avec une note invitant le passant à se servir gratuitement … Je me suis servi et laissé de côté mon iPad et mon cellulaire. Ce n’était pas une partie de pêche mais c’etait tout comme ….
Reçois mes bons souvenirs
Boufeldja, papa de Karim
Bonjour Boufeldja,
Quel plaisir d’avoir de vos nouvelles, merci de nourrir la discussion…
Vous n’avez pas idée à quel point je suis de votre avis quant à l’importance de « la lecture d’un bon livre ». En fait, non seulement je suis d’accord, mais je crois qu’il s’agit probablement de la plus belle façon de se déconnecter, ou de s’évader c’est selon. Ce sera peut-être l’objet d’un prochain billet, qui sait.
J’ai adoré votre exemple de Paris. L’évasion dans sa plus grande simplicité. On adore.
À très bientôt, MA
Salut Michel-Alexandre!
En moins de 140 caractères : ton texte est tellement vrai. L’autre jour, Société des Cigares, 4 chums autour de la table, les 4 la tête en bas en train de texter. Nombre de mots échangés pendant les 2 minutes d’observation : 0. C’était surréel. Les cigares et le scotch étant tellement bon, ils ne profitaient de rien.
Rien contre les appareils portables mais ils devraient rester dans la case qu’il leur est réservée, à créer des contacts HUMAINS même lorsqu’on est en déplacement et 2, répondre à des contacts HUMAINS même lorsqu’on est en déplacement. Le vidéo que P-T Choquette représente très bien ce que tout le monde constate, ces mêmes personnes, comme moi, qui iront répondre à une notification PUSH sur leur iPhone 2 minutes après avoir lu ton texte et répondu! 😉
Bonne journée et au plaisir vieux chum du parc Ross!
Nic Jolin
Salut Michel-Alex!
Lecture très sympathique mon ami, je tenais à te faire part de mes commentaires, je pensais les écrire sur ce blog, te texter ou encore t’appeler…
… »Ou encore mieux », je passe te voir cette semaine. On se prend une bière et on placote!
Guillaume