
Notre rapport à l’institution carcérale est dictée par ce que nous en savons, mais aussi par ce que ne nous en savons pas. Il était temps qu’un livre explore l’histoire d’une institution carcérale en ne la réduisant pas uniquement à des évasions, des émeutes et des pendaisons.
« Bordeaux, l’histoire d’une prison » est le premier livre à nous raconter aussi l’évolution d’une société.
Le livre s’ouvre sur un chapitre digne d’un grand roman historique. Une description captivante et détaillée de la condamnation à mort d’une femme esclave, en 1734 à Montréal,
Accusée d’avoir provoqué le feu dans la maison de sa maîtresse, Marie-Josèphe, dite Evangélique devait d’abord subir le supplice du brodequin, une séance de torture soigneusement conçue pour extirper ses aveux et la forcer à exprimer sa culpabilité et ses remords. Ensuite, « conformément au jugement du conseil Supérieur », Évangélique a été pendue.
À partir de cette tragique histoire, suivie d’une bonne mise en contexte sociale et politique de l’époque, le livre de Chantal Bouchard et Sébastien Bossé, nous offre une visite guidée à travers l’histoire d’une prison dont le nom officiel n’a jamais été « Bordeaux ».
La prison de Montréal, de son premier vrai nom, a été conçue spécialement pour marquer une nette rupture avec le moyen âge.
C’est la première prison au Québec à offrir des cellules individuelles, équipées d’eau, d’électricité et de toilettes. Cela ne manquait pas de provoquer l’indignation de certains qui rappelaient, à juste titre, que les plus pauvres n’avaient pas ce privilège.
C’est le début d’une nouvelle étape extraordinaire de l’évolution du Québec. Le livre s’arrête longuement sur celui qui a rendu possible cette évolution: Charles-Amédé Vallée.
Ce personnage, à lui seul, est digne d’une fresque cinématographique. Il a réussi à sortir les détenus de Montréal de l’enfer d’une vieille prison qu’il dirigeait lui-même, au pied du courant, pour concevoir la première prison moderne du Québec.
Les deux co-auteurs du livre, Chantal Bouchard et Sébastien Bossé, ne sont ni journaliste, ni historiens, ils ont accompli un excellent travail journalistique. Pour souligner le centième anniversaire de Bordeaux (1912 – 2012), deux employés de l’Établissement de Détention de Montréal (Chantal psychologue et agente de probation, Sébastien, chef d’unité), ont ouvert les portes d’une prison.
Ce livre nous rapproche de la prison, de son histoire parce que, c’est notre histoire..
Il y a beaucoup de nous autres là dedans..
Commentaires
En vous lisant, Monsieur Lotfi, la déplaisante idée que la prison – et tout le système judiciaire, d’ailleurs – soit hélas un «mal nécessaire» me tournait et retournait sans cesse dans la tête, telle une arrière-pensée obsédante.
Avec en prime l’effarante et apeurante idée du risque bien réel d’erreurs judiciaires. Des causes bouclées sur des présomptions de culpabilité mal étayées ou autrement, et le suspect (devenu le coupable) subséquemment bouclé pour des années.
Séjour prolongé à la meilleure «école du crime» qui soit. À ce qu’on répète depuis toujours.
Enfin, cet incontournable point d’orgue: qu’en est-il, dans la «réalité», de ces notions de prévention et de réhabilitation? S’agit-il là de notions équivalant davantage à des vœux pieux de nos sociétés qu’à quoi que ce soit ayant vraiment des assises côté praticabilité?
Tant de questions complexes et de réponses souvent bâclées…
http://voir.ca/mohammed-lotfi/2013/11/16/replique-a-enquete/