Les Tables de ma mère
À tous les matins, j’embrasse cette main!
Ce n’est pas un repas, c’est une prière, un poème, un tableau, une beauté volée et partagée. Veuillez l’honorer d’un regard.. Tout l’amour d’une mère y est.
Je regarde, je regarde encore.. Je me nourris d’abord des couleurs, leurs agencements, leurs formes.. Et puis, avec un sentiment quasi coupable je tends la main, j’hésite un moment.. Je tente l’impossible « Pourquoi détruire tant de beauté, si on faisait que regarder ». La réplique de ma mère était prête depuis le début des temps « Prends tes photos vite et mange pendant que c’est chaud ».
Et quand les amendes se mêlent de la partie…
C’est une des merveilles du monde. L’air des montagnes de l’Atlas se retrouve dans cette recette rarement cuisinée et introuvable dans un restaurant, « Mess Lalla » au poulet.
Le king des tajines: Agneau aux pruneaux.
À leur sortie de l’Atlantique, ces poissons ont trouvé refuge chez ma mère. Elle leur a tendu la main pour honorer leur présence et les accueillir comme il se doit sur notre table.
Sardines fraiches du jour entourées d’une recette que l’UNESCO devrait inscrire comme patrimoine de l’humanité. Al Bissara, est un régal sans égal. Elle a nourrit et nourrit encore des millions de pauvres.. Le riche qui n’en a jamais goûté, est un pauvre riche!
Les mêmes ingrédients, mais une autre table!
Les tajines du printemps, ce ne sont pas des repas! Ce sont des prières quotidiennes, une contemplation du beau, du merveilleux. Dédié à celles et ceux qui se nourrissent aussi du style et de la manière. Celles et ceux qui reconnaissent dans ces images un hommage à toutes les mères, artistes du quotidien, artisanes d’une civilisation. À voir ma mère, pratiquer son art, avec passion et patience, elle me nourrit aussi d’espoir et d’espérance.
Tajine végétarien aux patates et pois verts. Ça ne coûte pas cher. (ognons, curcuma, sel, poivre, paprika et corriande. Une fois bien mijoté, ont met les pois verts, plus tard, les patates). « À cuir à petit feu », parole de ma mère.
L’incontournable tajine aux cardons (Kharchouf). Le citron confit lui donne une dimension gastronomique digne des grandes recettes. Celles qui ont traversé les siècles, résistants à toutes les modes culinaires, grâce à nos mères.
Quand la tomate s’impose au kefta!
Une petite assiette de bakoula (feuilles de mauve). Et un petit morceau de pain maison.. Que demander de plus..!
La cuisine au Maroc, c’est moins une question de richesse que de savoir-faire. De savoir-vivre. Ne traitez jamais quelqu’un de navet, c’est une insulte au tajine aux navets! Délicieux tajine aux navets et pois chiche au goût du beurre rance (s’men). Entouré de petits plats dont la baqqoula, zaalouk et salade aux betraves.
Le chou-fleur au citron. Je ne connais aucun resto pour vous offrir un tel délice.
Zaalouk. Son nom correspond à son goût et son image. Purée d’Aubergine cuit à petit feu avec huile d’olive, piments rouges et verts doux, tomates, ail, cumin, vinaigre, piquant, paprika, sel et beaucoup d’amour
Vous avez devant les yeux une révolution. Un tajine de poids-vert et artichaut sans agneau. Sans viande aucune. Un tajine entièrement végétalien. En cette fête de travail, ma mère a travaillé. Pas de congé pour elle. Elle a préparé le repas, elle a fait le pain et la salade au tomate et poivron fumé. Depuis plus de 55 ans, à chaque jour ma mère accompli des merveilles pour nourrir sa famille. À 80 ans, elle est un patrimoine de l’humanité. Un monument vivant. Une révolution quotidienne. Toute une civilisation. À la voir vivre et faire avec passion et patience, elle me nourrit d’espoir et d’espérance..
Loubia
Pattes d’agneau en tajine. Succulent est le mot qui convient à cette recette typiquement marocaine. Pois chiches et riz sont pour quelque chose dans cette sensation de plénitude, qu’on ressent, une fois que le tajine n’est plus… Ma mère n’accepte aucun mérite dans le succès de ce tajine. Pour elle, c’est simple à faire, aussi simple qu’un bonjour. Celui qu’elle vous transmet à vous tous!
Un extraterrestre a frappé a ma porte ce matin. Attiré par l’odeur du couscous, il a traversé des années lumière. Bientôt, la recette de ma mère sera honorée par des créatures qui croyaient jusqu’à ce matin que seule leur planète abritait la vie. Pour célébrer ce premier contact entre leur planète et la nôtre, le couscous de ma mère sera le repas de bienvenue. Ce premier contact avec des extraterrestres n’aurait jamais eu lieu si un jour, je n’avais pas lâché un coup de fil à ma mère!!
Le Couscous de ma mère, toute une histoire: https://voir.ca/mohammed-lotfi/2013/05/30/le-couscous-de-ma-mere/
Un dimanche après-midi, chez sa mère!
Quelques pas pour passer du salon à la terrasse. Du délice au naturel…
Ramadan est dans l’air!
Un jour ma mère m’a dit « Mange et tais-toi ». Depuis, j’ai appris à prier en silence..
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PS: Pour mieux apprécier les images, il suffit de cliquer sur la photo pour la voir en plus grande taille.
Pour moi, le couscous c’est le plat planétaire!
Rien ne peut le détrôner.
Ni la paella, ni toutes les pizzas du monde, ni toutes les nouilles vietnamiennes, coréennes, chinoises ou tadjiques… ni la choucroute, ni le bœuf bourguignon, ni le ragout de pâtes, ni la horiatiki ou la moussaka!
Je tiens à continuer à déguster tous ces plats, toutes ces cuisines… mais le couscous transcende le fait de se sustenter.
Dans toutes ces variantes, il rapproche cultures, religions, clans, familles et tribus. Dans toutes ces centaines de déclinaisons, il est un hymne poétique aux saveurs nord-africaines.
Normalement, on devrait le manger avec les doigts, dans un plat commun.
Un plat de bois, à peine quelques morceaux de viande, une poignée de pois chiches et une carotte à qui l’on fait vivre la multiplication des légumes… le souvenir de ces couscous humbles, partagés à M’Hamid, Tiznit ou Taroudant… me fait venir les larmes aux yeux et la salive aux lèvres!
Mais le presque meilleur couscous de tous, c’était celui de mémé!
Et le meilleur, celui de maman, la Tourangelle transplantée à Alger qui a adopté la religion, l’histoire, l’amour de la mer et la gastronomie avant de partager l’exil et les larmes.
Le couscous de l’exil goûtait encore comme « là-bas » mais le cœur y était moins.
N’empêche qu’elle le fasse à la loubia, au barbouche ou en t’fina. Ou même « juste au beurre » avec quelques raisins secs, un peu de sucre et du petit-lait — on avait l’impression d’appartenir encore à quelque part quand on mangeait le couscous de maman.
Merci Mohammed pour cette festive ode aux mères et à ce plat souverain et parfois anonyme!
Merci pour ce poste, ça donnerait de la nostalgie même a un mort !