La première de « Muhammad » en Iran a été repoussée d’une journée, pour laisser la primeur mondiale à Montréal. Quelques 500 montréalais ont pu voir, jeudi 27 août, la plus grande et la plus coûteuse production cinématographique iranienne. Juste avant que Danny Laferrière, président du jury, ne déclare ouvert la 39me édition du Festival des Films du Monde. Juste après qu’une cinquantaine d’opposants du régime iranien, à quelques mètres de l’Impérial, ne rappellent haut et fort, les atteintes aux droits humains en Iran.
La sortie de « Muhammad » dans une ville occidentale n’est pas sans lien avec le rapprochement que l’Iran est en train de négocier avec l’occident. L’histoire du film a beau se passer il y a 1400 ans, elle n’est pas sans rapport avec la tension qui règne, d’une part entre l’Iran et l’occident et d’autre part entre chiites et sunnites au Moyen-Orient.
La décision de produire un film sur le prophète des musulmans a été prise, il y a 7 ans, alors que l’Amérique de Bush envisageait la possibilité d’une guerre contre l’Iran. N’est-il pas ce même président américain qui, en 2002, avait désigné l’Iran avec l’Irak et la Corée du nord, comme l’incarnation de l’axe du mal ? « Muhammad » est né donc d’une volonté de dédiabolisation de l’Iran dans l’opinion publique occidentale.
L’Islam, étant la religion d’État en Iran, quelle histoire meilleure que celle de son fondateur, pour symboliser l’insoumission du pays face à toutes les menaces. Quel courage plus grand que celui de Muhammad pour symboliser la détermination des perces à déjouer toutes les tentatives d’occupation.
Depuis 2500 ans, l’histoire de l’Iran est une succession de luttes pour sauvegarder la souveraineté territoriale, culturelle est linguistique des perses contre les invasions afghanes, ottomanes, russes, britannique et enfin américaines. Il suffit de lire entre les images pour décoder le message.
Dans les dernières images du film, Muhammad, alors qu’il n’a que 13 ans, fait face à la mer pour stopper un tsunami et ne laisser passer que les poissons qui vont sauver la vie d’une tribu affamée. À travers les miracles accomplis par Muhammad, l’Iran illustre son propre miracle, celui de continuer à exister.
Après la démolition de l’Irak, il n’était pas question pour l’Iran et les iraniens de se laisser démolir. La prétendue possibilité que l’Iran possède sa propre arme nucléaire a joué grandement dans le rapport de force pour négocier une nouvelle entente. « Muhammad » a été tourné pour accompagner les efforts de réhabilitation d’un pays qui souffre depuis longtemps d’un boycott occidental.
Au delà de ses qualités cinématographiques et artistiques indéniables, Muhammad demeure un film fondamentalement politique pour ne pas dire idéologique. Quand un état investit des millions de dollars pour la production d’un film, ce n’est pas uniquement pour satisfaire les rêves d’un cinéaste aussi indépendant soi-il.
Derrière « Muhammad », la République Islamique d’Iran a un message à transmettre au monde et il a choisi un bon messager pour le faire, Majid Majidi. Ce dernier a fait appel au meilleurs techniciens occidentaux, pour produire une image digne d’un grand prophète.
Après un visionnement de 171 mn, j’ai retenu de « Muhammad » le message suivant: « L’Iran n’est pas l’Irak. L’Iran n’est pas la Syrie ».
Parce qu’il est seulement le deuxième film d’envergure qui aborde la vie du prophète des musulmans (depuis « Le Messager » de Moustapha Akkad en 1976), Muhammad attirera sûrement l’attention des amis et des ennemis de l’Iran.
Cela étant dit, chacun fera de Muhammad, son propre film.
——-
Une projection supplémentaire de Muhammad est prévue le lundi 31 août 2015 – 20:45 – CINÉMA QUARTIER LATIN 9
Alors comme ça, pas d’état d’âme devant un film de propagande convoqué par les dirigeants les plus sanguinaires de la planète — j’ai nommé les ayatollahs, les mollahs et autres gardiens de la révolution qui font réellement de l’Iran la plus gigantesque prison à ciel ouvert de la Terre.
Pas d’état d’âme ni de questions à poser … ??
Qu’en est-il des cinéastes emprisonnés, censurés ou interdits de filmer.
Jafar Panahi, Mahnaz Mohammadi, Katayoun Shahabi, Mojtaba Mirtahmasb…
Certains sont sortis de prison mais ne peuvent pas tourner.
La liste est longue des artistes mutilés par ce régime fasciste qui aveugle et bâillonne des millions de gens en plus de soutenir le boucher Hassad !!! … de tuer les homosexuels et de réprimer des minorités.
On peut facilement s’imaginer les courbettes idéologiques et les coups de langue sur les babouches du pouvoir commises par ce cinéaste aux ordres.
Mais rien.
Pas de manif. Même pas un sourcillement de la part de Québec Solidaire et des habituels défenseurs des droits.
Peut-on se risquer à se demander ce qui ce serait passé si le film d’ouverture avait été israélien? et approuvé par l’État?
Plutôt déçu par ce papier en forme de brosse à reluire, monsieur le blogueur. Malgré la brève mention des opposants réunis près de l’Impérial.
Mais on a tous droit à l’erreur… 🙂
Monsieur le commentateur, au risque de vous déplaire, je n’écris jamais pour plaire à personne. Encore moins aux commentateurs. Merci quand-même pour le commentaire 🙂