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Pourquoi j’ai signé la déclaration pour un Québec laïque et pluraliste

Essentiellement, parce que pour une des rares fois, je me trouvais devant un texte qui rétablit le débat de la laïcité au Québec sur les bons rails. Dans le texte de la déclaration des intellectuels pour un Québec laïque et pluraliste, le projet de laïcité n’est pas fondé sur la peur de l’autre ou de sa religion. Dans ce texte, la laïcité n’est pas abordée comme un sujet lié exclusivement aux immigrants et à l’immigration.

Les rédacteurs de la Déclaration rappellent bien que le processus de laïcisation au Québec est antérieur aux Patriotes. Si la plupart des médias réduisent le débat sur la laïcité aux questions d’accommodements, de voile et de niqab, cela ne change rien aux principes fondamentaux de la laïcité qui datent bien avant le phénomène islamiste. Des principes qui font partie des fondements de la démocratie moderne.

Que certains citoyens du Québec soient interpellés dans leur identité par le flux migratoire, cela ne change rien, non plus, au fait que la laïcité a été conçue dès le 19e siècle, pour contraindre toute instrumentalisation du politique par le religieux et du religieux par le politique.

J’ai signé cette déclaration également pour briser le préjugé qui laisse entendre que tous les citoyens de culture musulmane du Québec sont nécessairement contre la laïcité. Signer cette déclaration ne dit pas de moi si je suis nécessairement athée ou nécessairement croyant. Contrairement au manifeste pour un Québec pluraliste, la Déclaration des Intellectuels pour un Québec laïque et pluraliste ne se mêle pas de ce qui ne la regarde pas. Ma spiritualité, si j’en ai une, ne concerne que moi.

La déclaration rappelle que ce n’est pas le rôle de l’État de se préoccuper du bien être spirituel de ceux et celles qui le représentent. Tout signe ostentatoire religieux porté dans le cadre de la fonction publique constitue un geste promotionnel d’une religion. L’État n’a pas à faire la promotion d’une religion pour motif de tolérance religieuse, de liberté de conscience ou pour préserver un patrimoine historique. L’État n’a pas à considérer, non plus, les multiples interprétations d’un signe religieux pour décider s’il est conforme ou non à une obligation religieuse.

L’interdiction du port des signes religieux n’enlève rien à la foi personnelle du fonctionnaire croyant. La foi religieuse étant fondamentalement de l’ordre de l’intime. Porter un signe religieux ne constitue nullement un des piliers d’une religion quelle qu’elle soit.

J’ai signé aussi parce que je me méfie de ceux qui prônent une laïcité « ouverte » à la religion de « l’autre », alors qu’en réalité c’est à leur propre religion qu’ils désirent préserver des privilèges. Une laïcité ouverte ce n’est pas de la laïcité. C’est une ruse. Une astuce. Une façon détournée pour certains religieux de maintenir des passe-droits dans les sphères du pouvoir. Avec la laïcité ouverte, c’est aussi la consécration d’un certain communautarisme qui ne correspond ni à la culture ni à l’histoire du Québec.

Par ailleurs, la Déclaration des intellectuels pour un Québec laïque et pluraliste considère essentielle « La protection législative de la laïcité ». Je vois dans cette protection, qui pourrait prendre la forme d’une charte, une façon aussi d’arrêter de prendre certains immigrants pour « eux autres ». Arrêter de les confiner à un statut de tolérés dont on s’accommode. Arrêter de considérer leurs passés pour présumer de leurs intentions politiques. Surtout arrêter de faire d’eux les bouc-émissaires des paradoxes de toute une société.

Le débat sur la laïcité a été trop longtemps dominé autant par les religieux que par les anti-religieux. Par les anti-immigrants, les anti-musulmans et les multiculturalistes. Il était temps de mettre du bon sens dans le débat et d’arrêter de condamner certains citoyens du Québec au statut d’éternels minorités.

Lorsque j’utilise mon droit de vote, à n’importe quelle élection, aucune loi n’exige de moi d’ajouter à mon X un I comme immigrant, un E comme éthnique ou un M comme musulman. Par une telle déclaration, j’ose croire que des intellectuels du Québec de différents domaines, soutenus par des milliers de citoyens, redonnent à la notion de citoyenneté tout son sens.

Cela dit, la Déclaration des Intellectuels pour un Québec laïque et pluraliste n’est pas une fin en soi, elle s’inscrit dans un débat dans lequel je souhaite voir la participation d’un plus grand nombre de citoyens de tous les horizons et de toutes les origines.


Texte de la Déclaration.