J’en suis sorti avec l’envie de crier « Au secours! ». Cet immeuble est en danger. Précisément, l’immeuble est devenu un danger pour les dix familles qui l’habitent.
Connaissant l’intérêt particulier que je porte au quartier Hassan, un des résidents m’a invité à faire un tour à l’intérieur du plus beau immeuble de ma rue. Un des joyaux de l’art déco de Rabat. Il se situe juste au dessus du défunt et célèbre café-restaurant Jour et nuit.
Une fois à l’intérieur de ce chef d’oeuvre architectural de Rabat, on a l’impression par moment de traverser une zone de guerre. Après avoir longé le long et sombre couloir de l’entrée, j’ai vu ce que les autorités municipales de Rabat devraient voir!
J’ai découvert des escaliers qui menacent de tomber. À chaque marche, j’ai eu peur de perdre pied. On traverse les étages comme dans un cauchemar. On pourrait y tourner un film d’horreur! Comment continuer à habiter un immeuble aussi dangereux ?
J’ai rencontré trois résidents de l’immeuble. Ils sont unanimes « Les trois propriétaires comptent sur notre peur, notre découragement, pour nous voir quitter l’immeuble avant de le réparer et pouvoir éventuellement louer ou vendre les appartements à des prix beaucoup plus chers ».
Depuis trois mois, tous les locataires ont cessé de payer le loyer en signe de protestation. Les propriétaires n’ont, pour l’instant, entamé aucune poursuite « Ils connaissent bien l’ampleur du danger, ils n’osent plus eux-mêmes s’aventurer dans ces escaliers. C’est à nous de les poursuivre ». Un des trois résidents propose plutôt de constituer un syndic et procéder en toute urgence à la réparation des escaliers avec l’argent des loyers.
Sans être spécialiste, j’ai peur que la réparation n’exige une expertise qui coûterait une fortune. J’ai peur qu’un malheur n’arrive d’ici le commencement des travaux. Je crains que les locataires ne sous-estiment le danger qu’ils courent chaque jour en prenant ses escaliers. Cette situation perdure dans l’indifférence des propriétaires et l’ignorance totale des autorités municipales. Au secours, je vous dis!
Pour l’instant se sont des poutres en aciers qui soutiennent le plafond de chaque escalier. Mais c’est visiblement dérisoire comme protection. Il suffit que le plus fragile des escaliers s’affaisse pour que le reste suive. Faut-il attendre qu’un malheur arrive avant de réagir ?
Selon un des locataires, cet immeuble serait inscrit au Ministère de la Culture, faisant partie du patrimoine architectural de Rabat. Des budgets seraient normalement réservés au maintien et à la restauration des façades. « La dernière fois qu’on a peinturé la façade de l’immeuble, c’est quand le Roi est passé par là pour aller faire sa prière du vendredi à la mosquée pas loin d’ici » m’a confié plus tard un concierge.
J’ai comme l’impression que tout le monde compte sur tout le monde pour sauver le patrimoine! Parce que faut-il le rappeler, le Café-Restaurant Jour et nuit ainsi que la façade de son immeuble font effectivement partie de la mémoire collective des rabtis.
La réputation de cet immeuble est étroitement associée à ce café-restaurant qui fait le coin de la rue Abdelmoumene (autrefois nommé Capitaine Petit-Jean) et la place Mélilia (Autrefois nommée la Place du Triangle de vues)..
Jour et nuit, c’est 50 ans de la vie de Rabat après l’indépendance. Son sous-sol était une boite très courue par les jeunes rbatis des années 60 jusqu’aux débuts des années 2000. l’Entonnoir était la boite à la mode pour la fièvre du samedis soir.
Jour et nuit, c’est aussi toute une autre vie, avant l’indépendance du pays, quand le même café-restaurant s’appelait Le Coq d’Or. Les français de l’époque s’y donnaient rendez-vous. Un terrain d’argile se trouvait juste en face du Café où on jouait des belles parties de pétanque.
Au fil des ans, Jour et nuit a toujours gardé une bonne réputation, grâce à ses employés qui ne cachaient pas leur fierté de travailler pour une telle institution. Certains y ont travaillé pendant 35 ans. Et un jour, la nuit devait tomber sur Jour et nuit.
Il y a 5 ans, le réaménagement de la place Mélilia a fait disparaître la terrasse du café qui faisait tout son charme. Là où jadis, des poètes, des artistes et des étudiants universitaires prenaient leurs cafés sous les arbres, entourés d’un mur de verdure, aujourd’hui c’est un parking et un long trottoir poussiéreux.
Depuis ce réaménagement et avec la disparition de labelle terrasse, le charme de Jour et nuit a cessé d’opérer sur toute la place et en particulier sur sa fidèle clientèle. D’autres cafés et restaurants se sont établis tout autour de la Place.
Dans les circonstances, cela fait 4 ans que les propriétaires ne payent plus les salaires des employés. Ces derniers ont refusé qu’on ferme la porte du café avant d’avoir des indemnisation de départ. Depuis deux ans, les serveurs de Jour et nuit sont réduits à vendre des sandwichs aux sardines dans un coin de l’entrée du restaurant, en attendant une réponse satisfaisante à leurs demandes.
Ainsi, il ne reste de Jour et nuit qu’une enseigne éteinte et l’odeur des sardines!
Une décision urgente doit être prise par les propriétaires ainsi que les autorités compétentes de la ville et du Ministère de la Culture sur le sort de cet immeuble et ses habitants.
L’enseigne du Café Jour et nuit retrouvera t-elle un jour sa lumière ? Les anciens du quartier Hassan comme moi, aimeraient beaucoup, mais dans les circonstances, cela importe peu devant le danger que représente cet immeuble à ses habitants.
Déjà le 29 mars dernier un immeuble du quartier Hassan s’est effondré. Par miracle, l’effondrement n’a fait qu’une personne blessée.
De cette tribune, j’invite vivement les autorités municipales de Rabat à faire un tour à l’immeuble Jour et nuit et prendre en toute urgence les décisions qui s’imposent avant qu’il ne soit trop tard.
Des vies humaines sont en danger juste à côté de chez-nous!
Jour et nuit, autrefois!
LE COQ D’OR.
Ensuite: LE JOUR ET NUIT.
Dommage la belle galerie ombragée au dernier étage à disparu.
C’est ce qui donnait également de l’allure à ce magnifique immeuble que je regardais toujours en passant devant durant mon enfance.
Parfois j’ai envie de devenir peintre en bâtiment et passer un coup de peinture sur les façades de certains de nos beaux immeubles de Rabat qui ne demandent qu’à dévoiler et retrouver leur beauté.