Tu peux reposer en paix, Abdelhamid Boujendar!
Donnez-leur un micro, une scène, un peu d’éclairage et un public. Elles vous étonneront, elles vous surprendront. Par moment, elles vous bouleverseront. Pendant quatre jours, enfance et jeunesse marocaines ont brillé. Pendant quatre jours, elles ont chanté, elle ont dansé, elle ont surtout fait oublier aux adultes leurs problèmes d’adultes.. Et que dire de la fierté des parents quand est venu le moment de cueillir les prix ? Que dire de ces regards d’enfants, heureux d’avoir rendu un public heureux ?
Que dire de ces enfants atteints de trisomie qui ont fait du ballet en affichant à la fin de leur numéro une question « Trisomique. Et alors ? ».
Et pour donner sens à leur slogan, les petites filles vêtues de tutus, se sont accaparés du micro pour chanter leurs chansons, à leurs manières. L’artiste Abdelali Elrhaoui qui devait les suivre leur a accordé toute l’attention que ces enfants demandaient. Le populaire Elrhaoui s’est laissé voler la vedette. Les enfants trisomiques jouaient aux artistes en ne jouant à rien. Ils étaient vrais et cette vérité a boulversé la foule qui s’est levée pour saluer le charme et le génie de l’innocence.
Si le passage des enfants trisomiques est très touchant, celui d’autres enfants est très impressionnant. Que ce soit en groupe ou individuellement, ils ont brillé de leurs voix et leurs danses sur des thèmes éducatifs. Ils ont chanté le respect de la nature, le respect la vie, la protection de l’environnement, la prudence sur les routes.. Leur art est résolument engagé à cultiver une conscience sociale chez l’enfant. On a applaudit aussi leurs danses asiatiques, indiennes, orientales, classiques et, bien sûr, marocaines.
C’est la première fois que j’assiste à un tel évènement organisé à la Salle Pahnini du ministère de la Culture à Rabat entre le 5 et le 8 avril. Je n’aurais pas aimé être nulle part ailleurs au monde.
Depuis 25 ans, l’Association Al3oudwatayne pour la Musique s’est donnée la mission d’intégrer l’éducation musicale dans le parcours éducatif des enfants. Et depuis sa fondation en 1993, elle organise annuellement un grand festival pour donner voix et tribune à la création des enfants et des jeunes du Maroc.
Plusieurs artistes adultes, connus et moins connus ont fait partie de l’évènement pour accompagner les enfants et les encourager. Les artistes adultes prennent par la main des artistes enfants. Le Maroc d’aujourd’hui ouvre la porte à celui de demain.
Au dernier jour du Festival, on a fait appel à Abdellah Issami, comme invité d’honneur. Le compositeur de ce qui est devenu le nouveau hymne national, Nidaae AlHassan, a pris un grand plaisir à découvrir les nouveaux talents et à les applaudir chaleureusement. Lui qui a composé pour les plus grandes voix du Maroc me confiait avec conviction que la relève artistique est bien assurée « Nous en avons aujourd’hui la preuve. J’espère qu’un encadrement éducatif rigoureux et constant sera accordé à la nouvelle génération et que l’éducation musicale soit accessible à tous ».
En quelques mots, Abdellah Issami a résumé l’objectif du fondateur de ce Festival, Abdelhamid Boujendar, décédé il y a quelques mois. Ce compositeur et grand éducateur a voué toute sa vie à une seule cause, rendre l’éducation et la création musicale accessible à tous les enfants et les jeunes du Maroc.
En lui rendant visite un jour avec mon père, j’avais à peine 11 ans, j’ai eu l’occasion d’être témoin d’une leçon de musique donnée par Abdelhamid Boujendar à une jeune fille de 13 ans, celle qui est devenue plus tard, une star de la chanson dans le monde arabe, Samira Bensaid devenue, Samira Said!
Boujendar croyait à la force de la musique comme outil d’épanouissement pour les enfants. Dans une rare vidéo, qui date de 2012, on peut apprécier sa fougue et sa passion pour la cause qu’il défend. À la fin de la vidéo, il interpelle, sans langue de bois, le ministre de la Culture pour soutenir financièrement l’éducation musicale, notamment en modernisant les conservatoires de musique.. « Y a t-il encore des violons ? Sont-ils cassés, ces violons ? » se demandait -il.
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D’ailleurs le fils et la fille de Abdelhamid Boujendar suivent les traces de leur père. Abdelkader est professeur de musique au lycée et Amal est chanteuse. Comme leur père et avec le grand soutien de leur mère Badia Laraki, ils sont entièrement engagés à poursuivre la mission de leur père. Il était donc naturel que la 25me édition de ce Festival soit dédiée en hommage à Abdelhamid Boujendar.
L’évènement a reposé essentiellement sur les épaules de trois femmes. Badia Laraki, Amal Boujendar et Naima Oum Nadine qui a assuré l’animation de tout le festival avec brio. À souligner également la participation d’une centaine de bénévoles, artistes, organisateurs et techniciens.
Abdelhamid Boujendar peut reposer en paix. Il a laissé derrière lui une relève qui travaillera fort pour accomplir la démocratisation des arts au Maroc. Avec ou sans soutien des autorités, les enfants imposent toujours leur génie créateur. Il suffit d’un micro, d’une scène, un peu d’éclairage et un public!
Abdelhamid Boujendar
Étudiantes du Lycée Lalla Nezha dans une danse marocaine!
Étudiantes du Lycée Lalla Nezha dans une danse orientale!
Majida Boutriq, chorégraphe, entourée d’étudiantes du Lycée Lalla Nezha.
Kholoud Darif dans une chanson en anglais.
Badia Laraki et l’animatrice Naima Oum Nadine.
Abdellah Issami recevant son prix d’honneur!
Abdellah Issami chante avec le public Nidaae ALHassan qu’il a composé en 1975 pour la Marche verte.
Le public chante à l’unisson Nidaae AlHassan.
Amal Boujendar et son père Abdelhamid Boujendar!