Au Maroc, pas de Ramadan chez McDonald's!
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Au Maroc, pas de Ramadan chez McDonald’s!

Déjà, au dernier Ramadan, j’ai été témoin d’un McDonald’s devenu un territoire hors frontières où il est possible pour un marocain, musulman non pratiquant, de trouver une sorte d’asile.  Ainsi, manger une frite devient un moment de liberté de conscience!

En offrant la possibilité de rompre le jeûne dans son espace, en période de Ramadan et en plein jour, McDonald’s donne à ses clients un choix qu’ils ne peuvent se permettre hors ses frontières, comme si le territoire McDonald’s devenait soudain celui de l’Amérique.  Et en Amérique, on vit comme les américains, libres.

Vraiment ? Voyons à quel prix ?

Une portion de frite chez McDonald’s coûte à peu près le même prix à Rabat qu’à Montréal, 2$ (15DH). Mais l’employé qui vous sert la frite, est payé 12$ de l’heure à Montréal et moins que 2$ à Rabat.

Le géant américain de la restauration rapide fait souvent l’objet d’accusation d’évasion fiscale. En Europe McDonald’s a été accusé en 2015 d’avoir privé l’Europe de 1 milliard d’euros. Un appel de boycott avait été lancé.

Je laisse au Ministère des Finances du Maroc de juger de la pertinence d’une enquête sur les pratiques douteuses de McDonald’s en matière d’évasions fiscales ou d’évitements fiscaux.  C’est le droit du citoyen marocain de savoir si la multinationale fait au Maroc ce qu’elle semble faire ailleurs en matière de vol du trésor public et de concurrence déloyale.

Mais le prix le plus cher que McDo fait payer à ses consommateurs, à longueur d’année, se situe dans la qualité de ses produits.  Des enquêtes sérieuses les remettent en question et appellent à un boycott.   La frite par exemple, contiendrait plus de 19 ingrédients différents, majoritairement des produits chimiques.

Je me suis rendu à deux reprises chez McDonald’s dernièrement. J’ai vu des clients jeunes et moins jeunes se délecter en plein Ramadan de ces produits: Glace, hamburger, frites.. Comme adepte des libertés individuelles, je devrais m’en réjouir.  Mais cette liberté affichée est un crime selon la loi du pays.

La rupture du jeûne de Ramadan en public est, conformément au Code pénal 222, un délit passible de six mois de prison et une amende de 500 dirhams (75$). 

Au Maroc, McDonald’s est le seul commerce de restauration, durant les journées de Ramadan  qui ne refuse aucun accès à ses clients. Il se contente de leur rappeler sur une affiche que «  Manger dans un lieu public durant les journées de Ramadan est régit par des lois en vigueur dans le royaume ». Sur la même affiche McDonald’s invite ses clients à se « renseigner sur les dispositions de ces lois afin d’éviter tout désagrément ».

L’agent de sécurité n’a jamais vu un policier arrêter personne à McDonald’s. Sa tâche à lui, consiste plutôt à prévenir ou arrêter toute violence qui pourrait advenir d’éventuels islamistes qui voudraient faire la peau aux déjeuneurs. C’est arrivé une fois dans une autre succursale, « Un cas très isolé » Me confie t-il.

« Il y a deux jours, un homme diabétique a ressenti un début de malaise. Il était heureux de croiser McDonald’s sur son chemin. Imagine si je devais exiger de lui d’apporter des preuves de son diabète. Imagine si je devais lui refuser l’accès à cette glace qui lui a redonné vie ». M’a raconté l’agent de sécurité avant d’ajouter avec un sourire « De toute façon, avec ou sans diabète, il aurait eu sa glace. Le boycott de McDonald’s au Maroc, ce n’est pas pour demain ».

Le Maroc connait un mouvement de boycott sans précédent envers certains produits. Même si le mouvement souffre d’un certain manque de discernement, il a démontré néanmoins de son efficacité pour établir un rapport de force avec des puissances commerciales.

Avec ses 33 000 restaurants, McDonald’s emploie 1,7 million de personnes dans 119 pays. McDonald’s est une puissance commerciale mondiale dont le capital et le pouvoir dépassent celui de certains états. Sa nuisance sur la santé publique est démontrée.  Ses irrégularités avec le fisc dans le monde sont documentés.  Avec de telles informations, libre à chacun de boycotter ou pas le géant de la malbouffe!

Chez McDonald’s, durant le Ramadan, on n’achète pas seulement une glace ou une frite, on achète aussi une illusion de liberté. Quelle valeur morale donner à cette illusion quand on sait à quel prix elle est accordée ?

Le seul moyen pour mettre fin à cette illusion de liberté sur le territoire McDonald’s est de permettre la liberté de conscience sur tout le territoire marocain.  Mettre un peu plus de cohérence dans les règles qui régissent les droits et les devoirs des citoyens.  Il n’existe aucune loi au Maroc pour poursuivre une personne qui ne prie pas ou celle qui ne donne pas la zakat ou celle qui ne va pas à la Mecque alors qu’elle a les moyens. Ce sont pourtant des obligations religieuses aussi importante que le jeûne.

Si la liberté du culte est un droit accordé par l’article 3 de la constitution marocaine, il lui manque une autre liberté fondamentale à toute démocratie, la liberté de conscience.

La Turquie a intégré cette liberté dans sa constitution dès 1936. La Turquie n’a pas cessé d’être un pays musulman pour autant.  Le Maroc ferait un grand pas vers la modernité en s’inspirant du modèle turque pour créer son propre modèle. Les musulmans en Turquie ne se cachent pas chez McDonald’s, en période de Ramadan, pour manger une frite.

En inscrivant la liberté de conscience dans sa constitution, l’état turque ne favorise pas les conditions d’une concurrence déloyale pour McDonald’s qui profite de la période de Ramadan pour se faire une publicité en instrumentalisant un besoin légitime de liberté!

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