Quand le Maroc marque un but contre lui-même!
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Quand le Maroc marque un but contre lui-même!

Le plus grave ce n’est pas le Maroc qui perd contre le Portugal ou contre l’Iran. Le plus grave c’est quand le Maroc perd contre lui-même!

Le jour même du match qui l’opposait à son voisin portugais au Mondial 2018 à Moscou, le Maroc, par la voix de ses autorités, a marqué un but contre la liberté.

Les autorités marocaines ont interdit le mercredi 20 juin, la tenue d’un colloque international sur les libertés individuelles qui devait avoir lieu à Casablanca le 22 et 23 juin.

Les « pauvres » Ayouch. Après le fils (Nabil) qui a vu son film Much Loved interdit des écrans du Maroc en 2015, c’est maintenant le père (Nourreddine) qui se voit interdire son Colloque international sur les libertés individuelles. Que ce soit dans un film ou dans un colloque, il est très difficile de briser certains tabous dans ce pays.  Qu’on aime ou pas le film, qu’on soit d’accord ou pas avec le contenu d’un colloque, l’interdiction n’est pas une solution digne d’un pays dit moderne.

Le Maroc de la Constitution de 2011, qui appelle à « construire un état de droit démocratique », ce Maroc des libertés, comme aime le répéter les officiels du pays, vient de marquer un but contre la liberté de se réunir, la liberté de débattre, la liberté de se questionner, de s’exprimer.

Le Maroc qui « réaffirme son attachement aux droits de l’Homme tels qu’ils sont reconnus universellement » dans le préambule de sa constitution, ce Maroc là, vient de se trahir, encore une fois.

Quand une amie m’a informé de la tenue d’un colloque sur les libertés individuelles au Maroc, j’ai été d’abord étonné qu’il se tienne dans un lieu associé à un roi saoudien, la Fondation Abdul Aziz Al Saoud.  Aussi, j’ai été agréablement surpris de lire sur le programme que le ministre de la Justice s’associe à un tel évènement en acceptant de participer à son ouverture.

J’imagine l’enthousiasme de celles et ceux qui allaient assister ou participer à un évènement ou on devait aborder des thématique qui suscitent de vifs débats dans les sociétés musulmanes tel que la liberté de conscience, le droit des minorités religieuses, le droit à l’héritage et le droit de disposer de son corps.

Un évènement ou on allait enfin donner la parole à un Mohamed convertit au christianisme, un autre marocain de tendance chiite et un autre bahai.

C’est précisément sur la base de cette dernière information, d’après l’entourage du ministre de la Justice que ce dernier aurait justifié sa décision de boycotter le colloque.  Selon le même entourage, le ministre aurait aimé être associé par le Collectif Démocratie et Libertés « dans la mise au point du programme de cette conférence ».

D’autres représentants des partis politiques, dont certains dits de gauche, ont fini par décliner l’invitation!

Mais, les invités officiels du Colloque ne se sont pas contentés de le boycotter. Non seulement la Fondation Abdul Aziz Al Saoud qui devait accueillir l’évènement a retiré son appui en fermant ses portes, son président qui est aussi ministre des Affaires islamiques a fini par ordonner purement et simplement  l’interdiction du colloque. La préfecture de Casa a invoqué un détail de procédure pour justifier l’interdiction.

En regardant le match du Maroc contre le Portugal dans un café, aussitôt après le but de Ronaldo, j’ai entendu un commentaire étrange d’un supporteur assis à la table à côté «  Cet homme, à lui seul va démolir un pays ». Dans son raisonnement, la responsabilité de la défaite, ne peut être que de source étrangère.

Ce même raisonnement revient souvent chez certains marocains qui ont de la difficulté à associer la notions de liberté avec celle de responsabilité. Ainsi, selon le journal Hespress, des salafistes marocains auraient fait appel à leurs médias pour critiquer la Fondation Abdul Aziz Al Saoud et le ministre des Affaires islamiques considérant ce colloque international comme « une guerre contre l’identité du royaume ». Certains l’ont qualifié d’ingérence étrangère.

Ces pressions ont-elles été considérées par les autorités marocaines dans la décision d’interdire le colloque ? Si c’est le cas, ce geste serait encore plus lourd de sens et de conséquences sur la liberté au Maroc.

Avec 50% de sa population qui a moins de 44 ans, de toute son histoire, le Maroc n’a jamais été aussi jeune. Pour son développement, pour son avancement, pour son bien, le Maroc a de grands défis à relever.  Peut-il le faire sans d’abord s’affranchir des chaînes obscurantistes qui le rongent de l’intérieur ? Peut-il le faire sans retrouver un équilibre et une cohérence dans sa façon de faire cohabiter modernité et tradition ?  Sans que cette dernière ne soit une prison pour la première ?

Cela étant dit, le Maroc n’a pas vraiment perdu contre l’Iran et le Portugal. Notre équipe nationale n’a pas à rougir de sa performance.  Tout le monde reconnait qu’elle a dominé les deux matchs d’une façon magistrale.  Si les résultats du Mondial se jugeait aussi sur la qualité du jeu, le Maroc aurait été qualifié haut la main.

La combativité des Lions sur le terrain de foot est une leçon pour ces autorités marocaines qui ont interdit un colloque international sans faire le moindre effort pour combattre les forces obscurantistes qui chaque jour, marquent des buts contre la cause des libertés individuelles au Maroc.

J’ose espérer que la décision d’interdir un débat nécessaire n’empêche pas le débat de se poursuivre de bien d’autres manières. Que le Collectif Démocratie et Libertés et d’autres acteurs de la société civile ne baisseront pas les bras, ne se décourageront pas.

J’ose croire que le train du Maroc continue à avancer malgré les embûches!

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Nourreddine Ayouch.

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