BloguesMon père a plus de likes que le tien

Je suis un père au cube

Depuis quelques mois, entre Ghomeshi et je ne sais quel pas gentil avec qui je partage mon genre, je dois bien l’avouer, je ne sais pas trop où me placer comme père d’une jeune fille de 11 ans et homme dans la fleur de l’âge à la barbe assez blanchissante. Et n’allez pas croire que je vous parle de ma barbe pour faire prophète ou machin sage de l’antiquité. C’est que oui, punaise de torvisse, elle blanchit ma barbe. Et ma fille n’est plus une fillette. Et ma blonde est dans les mêmes sentiers. On fait même de la randonnée, imaginez!

Mais bon, donc… Cette place que j’occupe, que je vous disais, sans trop savoir où elle se trouve, elle m’embarrasse un peu. Il faut dire que je mène une vie médiatique et que je bois du fil de presse comme si c’était une denrée essentielle à notre survie. Et là, nom de dieu des enfers, constatons-le, l’homme moyen n’a pas bonne mine! Ah le con! Non, mais! Il tabasse, il déteste, il déconne puissance cosmos, privilégié, blanc, épais, muni d’un membre qui le guide dans l’érection matinale, tout ça quand il ne viole pas carrément! Un sale type, oui!

Je me sens pourtant à des kilomètres de ces portraits de l’homme moyen, obtenus sans doute par stéréotypes et autres sensations médiatiques. Des années-lumière même. Bon, il en existe des cons. Sans doute beaucoup. Juste assez pour jouer de la statistique. Mais quand même. Le père moyen, un peu con avec sa pelouse et ses outils cheaps, qui fabrique une balançoire dans le jardin, où se trouve-t-il?

C’est confronté à cette question que j’ai eu l’idée de ce blogue paternel collectif intitulé « Mon père a plus de likes que le tien ».

Car l’homme con et imbécile, dans ma ruelle, chez mes voisins, auprès de mes amis, à mon travail, dans mes contacts web les plus intimes, je ne l’ai rencontré nulle part. Je ne vois que des types avec leurs enfants, masculins, paternels, un peu cons comme nous sommes tous cons — ce qui est peut-être une qualité en cette époque où même les plus tatas passent pour intelligents — mais jamais je ne croise ce douchebag qui bouffe de l’autre sexe en se frottant paresseusement le bide et en revendiquant avec suffisance sa blancheur et sa supériorité phallique.

Qui plus est, il y a quelques semaines, mon ami et collègue, nouvellement papa, Mathieu St-Onge, se demandait sur Facebook s’il existait des groupes de pères. Bonne question! C’est que des groupes de mamans, voyez-vous, il y en a une tonne. Et même les groupes de parents sont peut-être surtout des groupes de mamans au fond. Je suis membre d’un groupe Facebook de parents de Rosemont. Je ne vous raconte pas. Que des mères. On y échange des douillettes de Dora l’exploratrice et on y cherche des coussins pour allaiter, si quelqu’un en a à offrir.

J’aimerais bien intervenir et demander si quelqu’un d’autre que moi a acheté Minecraft pour jouer à construire des trucs avec sa fille les jours ensoleillés question de se garder à l’ombre, mais franchement, je ne vois pas comment je pourrais faire.

Et si je posais la question: on peut laisser un bébé dans sa couche combien de temps avant que ça devienne immoral? Imaginez un peu comment je recevrais une enclume sur la tête.

C’est pourtant le genre de question qu’on se pose en rigolant, entre nous, pères indignes de l’ère 2.0, un peu cons mais pas trop quand même, qui ne tabassons personne pour passer le temps. Nous sommes pleins d’amour, dépourvus de toute violence, étrangers à toute forme de machisme, mais des pères quand même. On est simplement des gars avec un enfant dans les bras, émerveillés, mais les mêmes que la veille, avec l’envie de dire une connerie pour détendre l’atmosphère.

Tenez, l’autre jour, il y avait une polémique sur les fameux cubes d’énergie que les élèves qui participent au Grand défi Pierre Lavoie dans les écoles doivent obtenir. Pour ceux qui l’ignorent, on reçoit un carnet à remplir à la maison. Les enfants doivent faire des activités physiques pour gagner des cubes. Si les parents se joignent à l’activité, les enfants gagnent le double de cubes. Dans mon fil Facebook, c’était l’exaspération totale! Ah non! Pas cette satané compétition des cubes! Comme si on avait le temps avec tout ce qu’on a à faire, les devoirs, les lunchs, les travaux ménagers!

Le samedi suivant la réception du carnet, la petite m’a abordé avec un entrain que je ne lui connaissais pas.

— On va au marché papa?

— Oui, pourquoi pas. Tu veux aller au marché?

— Oui! On va pouvoir gagner des cubes si on y va en marchant!

— Ok. J’embarque. Bon deal!

Nous sommes donc allés au marché. On en a profité pour manger un hot-dog genre polonais à la boutique Balkani. Moi je prends de la choucroute et de la moutarde. La petite, ketchup seulement.

— Ça va nous faire combien de cubes papa cette marche?

— Je dirais au moins 10. Et sans doute 2 de plus pour avoir mastiqué notre hot-dog. Quand même. Et tu sais quoi? Je le trouve un peu lourd ce hot-dog. On ajoutera un autre cube pour la musculation.

— Ouais! Super!

Je vous le dis moi, ces fameux cubes d’énergie, c’est le meilleur moyen d’enseigner la désobéissance civile. Et on a tellement rigolé que je me dis qu’au final, on est revenu vraiment plus en santé.

Je n’ai pas raconté cette aventure dans mon groupe de parents de Rosemont. Par honte peut-être. Par crainte de me faire proposer un hot-dog à saveur de Dora l’exploratrice aussi.  Je ne sais trop. Mais en tout cas, j’ai senti que cette histoire ne concernait qu’elle et moi. On a inscrit finalement 223 cubes dans le carnet et on a été jouer à Minecraft pour terminer la journée, comme le ferait tout bon père consciencieux les jours où il fait trop beau pour jouer devant l’ordi.

……

C’était donc le premier texte de ce blogue « Mon père a plus de likes que le tien ». Dans les prochains jours, vous pourrez lire les textes de mes collègues et amis virtuels Mathieu St-Onge, Joël Martel et Mathieu Onge. D’autres se joindront peut-être à nous! Mais quoi qu’il en soit, nous sommes des hommes de bonne volonté, même si le délai pour changer la couche est un peu plus long!