Je suis devenu mon pire cauchemar à l’âge de 30 ans. Et vous savez quoi, ça me plaît bien finalement.
Vous voyez, le truc c’est que j’avais horreur de croiser ces gars de mon âge qui n’en avaient que pour leurs enfants. Je les trouvais profondément ennuyants et surtout… très cucul.
Même que, pour vous dire vrai, ma grande crainte c’était de me kevenparentiser. Ouep! Vous savez, me transformer en une de ces mauvaises chansons dédiées à un enfant.
Et puis, hop, la vie m’a joué un de ces tours comme elle seule peut le faire. Il y a eu ce soir où alors qu’elle était dans son bain, ma blonde m’a annoncé qu’elle était enceinte et puis tout est allé si soudainement, si rapidement.
Alors voilà, malgré mes grands discours pendant ces neuf mois comme quoi on ne m’aurait pas à ce jeu ridicule, du jour au lendemain, je me suis turbo-kevinparentisé.
Il faut savoir que le jour où vous prenez cette chose dans vos bras pour la toute première fois, il y a toute votre vie qui défile subitement devant vos yeux. En une fraction de seconde, vous pouvez déjà visualiser cet enfant lorsqu’il fera ses premiers pas, et puis cette première fois à l’autobus, et ce jour où vous irez le reconduire chez sa première blonde ou son premier chum (m’en câlisse sincèrement), et cette fameuse photo d’avant son bal des finissants, et puis vous, qui finirez par disparaître.
D’ailleurs, en ce qui me concerne, cette première fois où j’ai tenu mon fils dans mes bras, c’est là où j’ai vraiment compris comment c’était de se sentir vulnérable. Soudainement, vous réalisez que vous êtes bien peu de choses et que tout ce qui sera en votre pouvoir au cours des prochaines années, ce sera de donner ce que vous estimez être le meilleur de vous-même.
Et puis au fil de ces années, vous apprenez à comprendre cette peur qui vous habite pour enfin l’apprivoiser.
Vous réalisez alors que ce qui donne la chienne, c’est d’avoir avec vous cette chose qui vous rappelle continuellement que le temps vous glisse dramatiquement entre les doigts.
Or, tout ça peut sembler mélodramatique, mais ça relève davantage du rêve que du cauchemar.
Car chaque jour, vous êtes là à vous surprendre de redécouvrir le monde qui vous entoure à travers ses yeux.
Chaque jour, ce petit bonhomme éveille de vieux rêves que vous aviez laissés s’endormir.
Et puis, chaque fois que vous franchissez une de ces étapes cruciales, par exemple d’aller l’inscrire à la maternelle et de ressortir complètement en larmes de son école, vous vous sentez en vie comme jamais.
Et viendra enfin ce jour où vous serez le père cool qui fera des lifts à ses amis, qui tolérera les partys dans le sous-sol. À la fin, vous vous en câlisserez comme l’an 40 de vous être laissé KevinParentisé.
Parce qu’à la fin, vous aurez obtenu le titre le plus honorifique qui soit : être LE père de cet enfant.
Et quand une toune poche de Kevin Parent sur le rôle de père jouera à la radio, vous ne l’éviterez plus. Non pas parce que vous l’aimerez, mais bien parce que vous savourerez le fait de toujours détester ça et donc, d’avoir réussi à demeurer vous-même malgré tout cet amour à la tonne.