IAM : Je rappe, donc je suis
Musique

IAM : Je rappe, donc je suis

IAM, le groupe-phare du mouvement hip-hop français, débarque enfin chez nous avec tout son attirail rythmique. AKHENATON, l’un des leaders de la formation, fait le point sur la santé de la scène rap francophone et décoche quelques flèches sur la bêtise des musiques préfabriquées. Parole d’or et micro  d’argent!

Imaginez que vous vivez sous le soleil de Marseille, un soleil parfois trompeur qui jette une lumière crue sur la cité et ses banlieues où plane une sourde violence. Là, avec quelques copains, vous décidez que la musique sera votre planche de salut. Pas n’importe quelle musique, celle née des ghettos noirs de l’Amérique qu’on appelle rap ou hip-hop. C’est ce qu’ont décidé de faire Akhenaton, Kheops et Shurik’n, alors le noyau dur d’IAM, formé en 1989.

L’affaire n’était pas si simple puisque le rap en français était pratiquement inexistant, à tout le moins une utopie dans l’industrie. Le début de la présente décennie verra le groupe jeter les bases du hip-hop hexagonal aux côtés de MC Solaar et quelques autres formations dont la popularité ne s’étendra pas jusqu’ici. En 1993, la popularité des Marseillais explose avec Ombre et Lumière, un double album ingénieux porté par le tube Je danse le mia. Un album plus tard (le monumental École du micro d’argent), un solo pour Akhenaton et le récent double de Kheops (Sad Hill), IAM est, à juste titre, la colonne vertébrale du mouvement rap français, une déferlante qui vient de frapper ici grâce à son propre succès qui a ouvert le chemin à celui de Dubmatique.

«On se plaît dans notre rôle de vétérans, raconte Akhenaton, on a fait la guerre pour que les jeunes artistes puissent évoluer dans un milieu sain. C’est une question d’organisation, c’est ce qui manquait dans le monde du hip-hop francophone. Au début, nous étions capables de faire de la création, mais ce n’était pas très organisé et, depuis quelques années, nous avons commencé à mieux structurer nos efforts, nous avons introduit une sorte de méthode.»

Cette observation explique bien pourquoi IAM fait figure de rassembleur. «En fait, on n’a rien inventé. Le rap français avait un retard de ce côté-là par rapport au rap américain. Aujourd’hui, nous gérons nos projets en gardant le contrôle artistique. Ou les artistes s’occupent de leur art, poursuit le rappeur, ou ils laissent leur art entre les mains de multinationales. Personnellement, je ne fais pas ce métier pour redorer le blason de qui que ce soit. Je travaille pour que les groupes de Marseille et d’ailleurs avancent du mieux qu’ils peuvent.» Il est loin le temps où l’industrie, voire le public, pouvait remettre en question la pertinence du rap francophone. Les jeunes peuvent aujourd’hui se reconnaître dans les textes, sans oublier un certain contexte plus proche de leur quotidien. Ceci n’est pas sans enthousiasmer Akhenaton: «Les gens ont tendance à privilégier les artistes qui parlent des réalités de leur voisinage, c’est normal. Aujourd’hui, en France, les plus jeunes n’écoutent que du rap francophone, c’est un bel accomplissement.»

Dans un tout autre ordre d’idées, on n’a pas pu s’empêcher de féliciter Akhenaton pour son corrosif single, J’ai pas de face, extrait de son album solo Métèque et mat. Il a gentiment offert ces quelques commentaires au sujet de cette charge acidulée contre la musique en forme de produit jetable: «A la limite, ce n’est pas grave, ils font une musique de naze et c’est tout. Cette chanson m’est venue parce que j’ai rencontré des tas d’artistes de talent qui n’ont pas eu leur chance. Forcément, il y a de la rancour; comment un groupe de filles ou de garçons qui chantent trois phrases sur un morceau de dance peut-il être glorifié à ce point? C’est la même chose en pop ou en rock. Quand Oasis débarque dans un hôtel et casse tout, je ne vois pas ce qu’il y a de génial là-dedans! On essaie de recréer la légende des années 70, mais la légende, elle est dans la musique, pas dans les comportements stupides. Là où j’ai grandi, on ne donnait pas de chance à ceux qui cassaient des vitres, c’était la tôle. J’ai pas de face est une sorte de manifeste contre l’hégémonie de ces genres de groupes.»

Pour sa première tournée véritable au Québec, IAM s’amène avec toute son artillerie. «On sait que le public de chez vous est très pointu alors on viendra avec tous les décors, les projections, etc. Il est temps maintenant d’offrir un spectacle de qualité et c’est ce qu’on a voulu proposer pour les concerts de Québec et Montréal.» Message reçu.

Le 16 mai
A Place Lebourgneuf
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