Déboussolé : Perdu le nord
Musique

Déboussolé : Perdu le nord

Imaginez un instant que vous êtes aveugle, et qu’on vous a catapulté en plein cour d’une ville inconnue. Autour de vous, la vie bat son plein, avec son cortège de bruits et de sons, qui semblent parfois s’organiser en de véritables petites pièces musicales. Guidé par vos oreilles, vous vous orientez peu à peu dans l’espace, et arrivez à donner un sens au chaos qui vous entoure. C’est exactement le genre d’expérience que vous propose Déboussolé, un spectacle «interactif» où l’on vous invite à perdre le nord magnétique au profit du nord acoustique.
Au centre de la scène, on retrouvera quatre instrumentistes, spécialistes de l’improvisation et du bruit organisé (Martin Tétreault aux tables tournantes, Michel F. Côté aux percussions, Diane Labrosse aux échantillonneurs et Christof Migone aux bidules mécaniques et électroniques en tous genres). Les spectateurs sont invités à évoluer entre les musiciens et les sculptures sonores créées par l’artiste Jean-Pierre Gauthier, qui apporte un aspect visuel à cette orgie auditive. «On pourrait dire qu’il s’agit d’une installation-concert», explique Diane Labrosse. «Tout est défini par l’intervention directe des musiciens, qui se déplacent dans l’espace au même titre que les spectateurs.»

Lorsqu’il fut créé au Studio 12, de Radio-Canada dans le cadre de l’émission Le Navire Night, Déboussolé portait la marque de l’écoute subjective de la réalisatrice Hélène Prévost, mais les spectateurs présents dans le studio pouvaient circuler à leur guise et choisir leur propre promenade sonore, comme ce sera le cas pour le concert de cette semaine. «On voulait que les gens se promènent, et si, au départ, on sentait une certaine gêne, après quelques minutes, on les avait à deux pieds de nous, explique Diane. On n’avait pas imaginé à quel point ça pouvait être intimidant de les avoir si près, et, comme il s’agit d’improvisation, il nous fallait être encore plus attentifs à ce que faisaient les autres. Après le show, on était complètement épuisés.»

Bien que le projet réunisse quatre bruitistes et un sculpteur sonore, Déboussolé n’est pas exempt de motifs musicaux, loin de là. Le thème des quatre points cardinaux sert de vague point de repère autour duquel les musiciens cherchent à installer un climat évocateur. «On se plaît dans le bruit tous les cinq, mais on aime bien l’organiser, précise Diane Labrosse. Si l’on travaille autour d’une séquence ou d’une série d’accords, et qu’un moment de musique arrive spontanément, on n’hésite pas à l’exploiter, pour reposer le monde. On n’est pas là pour tester la patience de gens en les soumettant à une heure de bruit absolu!»

Bien qu’il s’agisse d’une version écourtée de l’ouvre présentée sur les ondes de Radio-Canada, le spectacle présenté à la maison de la culture devrait être riche en moments musicaux et témoigner de l’intense complicité qui unit la bande d’improvisateurs «La chose la plus difficile à maîtriser en improvisation, c’est le temps, parce qu’on n’a pas tous les mêmes repères, explique Diane. Il faut qu’on élimine le vedettariat et l’accent mis sur les performances de solistes pour créer quelque chose en groupe. On cherche surtout à éviter de se couper l’herbe sous les pieds pour se laisser porter par une idée d’ensemble, même si l’on travaille tous localement.» Un petit conseil: faites comme eux, prenez votre temps, et découvrez l’espace de Déboussolé en vous laissant guider par vos deux oreilles.

Les 28 et 29 mai
A la maison de la culture du Plateau Mont-Royal
Voir calendrier Jazz, Blues, etc.