Musique

Justin Hinds : Le rat des chants

A la fin de 1963, le jeune Justin Hinds, dix-neuf ans, débarque de son comté natal de St. Anns, arrive aux studios Treasure Isle, avec ses choristes Dennis St. Clair et Junior Dixon, et, d’un seul trait, enregistre Carry Go Bring Come, son plus grand succès en carrière, un bel exemple des grands classiques du ska. «C’était une expression populaire de l’époque, qui mettait en garde contre les porte-panier, ceux qui se mêlent de la vie des autres», raconte Justin. Son plus beau souvenir remonte d’ailleurs à la fameuse soirée, deux jours après cet enregistrement, où on a présenté Carry Go Bring Come sur le Sound System Trojan de Duke Reid. «C’était un dimanche soir, vers onze heures. C’était la coutume de tester les nouvelles chansons en public, dans une danse. Les gens ont tellement réagi qu’ils l’ont rejouée sept fois d’affilée!»

Ses textes regorgent souvent d’expressions, de vieux proverbes et de dictons ruraux, rejoignant facilement la société jamaïcaine d’alors, en transition de la campagne vers la ville. Sa voix expressive de ténor, teintée d’influences country et gospel, soutenue par les harmonies vocales des Dominoes et du groupe d’accompagnement The Supersonics (schisme des Skatalites de Studio One), en fera l’artiste le plus populaire de l’étable Treasure Isle de 1964 à 1966, avec plus de soixante-dix parutions! Comme tous les groupes de l’époque, Justin et ses compagnons carburent au soul et r’n’b américains: c’est pourquoi le trio reprendra le nom de son idole, Fats Domino.

Avec la période rocksteady de 1966-67 vinrent les succès No Good Rudie, Here I Stand et la sublime Save a Bread. Et, avec l’avènement du style roots militant, on reconnut toujours leur pertinence. Après la mort de Duke Reid en 1975, ils enregistrèrent deux albums, dans le genre rocker, pour le compte de Jack Ruby, aussi réalisateur de Burning Spear. St. Clair et Dixon quitteront le groupe en 77, mais Justin Hinds fera cavalier seul, enregistrant quelques albums de qualité pour le compte du label américain Nighthawk, à partir de 1984.

Notre homme, dont le circuit de tournée nord-américaine a été relativement restreint jusqu’ici, se montre très enthousiaste à l’idée de nous visiter une première fois. Parions que quelques porte-panier s’arrangeront pour que ce ne soit pas la dernière…

Le 20 juin
Au Club Soda