

Elevator Through : Retour d’ascenseur
Nicolas Tittley
Je me souviendrai toujours du concert d’Eric’s Trip, au Café Campus, il y a quelques années. Le petit groupe de Moncton venait de signer avec Sub Pop, la fameuse étiquette de Seattle qui avait déclenché la déferlante grunge un peu plus tôt, mais ces quatre jeunes gens effacés avaient peu en commun avec Mudhoney ou Nirvana. Une ampoule solitaire éclairait la scène, révélant de façon plutôt crue que les membres d’Eric’s Trip n’étaient pas de grands performers, ni de très bons musiciens.
Ce handicap n’a toutefois pas empêché le groupe de continuer son petit bonhomme de chemin, et de produire un nombre impressionnant d’enregistrements jusqu’à leur inévitable séparation, en 1995. Sous l’ampoule de soixante watts, chacun des membres d’Eric’s Trip semblait exister dans son propre univers, ce qui explique peut-être la nombre de side-projects auxquels ils donneront naissance avant le désintégration de leur aventure commune. La bassiste et chanteuse Julie Doiron s’amuse avec Broken Girl (elle enregistrera plus tard un album sous son propre nom), le guitariste Chris Thompson badine avec Moon Socket, et le batteur Mark Gaudet joue dans Purple Knight, en plus de collaborer à Elevator to Hell, le groupe du chanteur et guitariste Rick White.
A l’origine, Elevator to Hell n’était que le titre d’une chanson, mais c’est sous ce nom que Rick mettra sur vinyle ses premières compositions (rééditées par Sub Pop sur l’album Parts 1-3) en compagnie de Gaudet et de sa femme, Tara White. Le groupe devient alors Elevator Through Hell (il semble que Rick ait décidé qu’il valait mieux traverser discrètement l’enfer plutôt que d’en faire sa destination finale) et signe EerieConsiliation, qualifié de «pire album de l’année 1997» par le magazine canadien The Record.
Aujourd’hui, les références à l’enfer sont disparues, et White a décidé de rebaptiser son groupe Elevator Through. Cette dernière appellation n’est pas gratuite: avec The Such, le mini-album qui vient tout juste de paraître, White achève sa sortie des enfers et se rapproche de plus en plus de cette espèce d’univers onirique, son Graal. Ce nouvel avatar, présenté comme la bande originale d’un film que l’on verra peut-être un jour, marque aussi la transition du groupe vers un projet audiovisuel. Côté son, l’homme y poursuit son aventure lo-fi, intégrant à ses enregistrements minimalistes quelques bruits d’ambiance (portes qui claquent, cloches, etc.) qui nous rappellent la nature cinématographique du projet. L’influence de Syd Barrett, maintes fois évoquée, est carrément incontournable sur la pièce Descending, tandis que Wink, plus rock, ressemble à s’y méprendre à une relecture de Stepping Stone. Quelque part entre Sebadoh et Pink Floyd, Rick White trouve quelques moments de grâce, mais le caractère brouillon qui marque son travail depuis les débuts d’Eric’s Trip est toujours présent. Nos tentatives pour rejoindre White afin de le questionner sur les récents développements de son work in progress se sont soldées par un message sibyllin. «Je suis dans les bois quelque part»ª, pouvait-on entendre sur le répondeur. On craint une nouvelle période de réincarnation.
Le 23 juin
Au Cabaret
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