

Pigalle : Néoréalisme
Nicolas Tittley
Il y avait des lustres que Montréal n’avait goûté au folk-punk franchouillard du coloré François Hadji-Lazaro et de son groupe Pigalle. A sa décharge, il faut dire que l’homme, en plus d’être chanteur et musicien au sein de deux formations (Pigalle et Les Garçons Bouchers), cumule également les rôles d’acteur (on a pu le voir dans La Cité des enfants perdus, entre autres), et de p.-d. g. de la maison de disques Boucherie Productions.
S’il est trop occupé pour traverser l’Atlantique tous les ans, Hadji-Lazaro trouve tout de même du temps pour l’essentiel, comme en témoignent les quinze compositions qu’il a signées pour Alors, le plus récent album de Pigalle. Hadji-Lazaro y joue de tout, exerçant ses talents sur les guitares et les claviers, ainsi que sur de nombreux instruments traditionnels européens, de la mandoline à la cornemuse, en passant par la vielle à roue. «Il y a un petit regain d’intérêt pour les musiques folkloriques en France, qui est une conséquence directe de l’explosion de la world music. On a fini par se rendre compte que la world music, ça pouvait aussi venir de chez nous!»ª explique François.
Chantre habile du quotidien, Hadji-Lazaro décrit à nouveau les joies et les misères du petit peuple, sans excès de misérabilisme ni dénonciation excessive. Son talent d’observateur et ses sujets de prédilection (sans-abri, putes et paumés en tous genres) ont d’ailleurs souvent valu à Pigalle d’être décrit comme un groupe de chanson néo-réaliste, étiquette que Hadji-Lazaro ne rejette pas, sans pour autant l’embrasser complètement. «C’est vrai que je me réfère souvent à cette tradition de la chanson réaliste, et que je ne suis pas un grand admirateur de ce qui s’est fait dans la chanson française des vingt ou trente dernières annéesª, acquiesce François. Mais je refuse les limites que le genre implique: certaines personnes pensent que la chanson réaliste ne peut être poétique alors que rien n’est plus faux!»
ªCar Hadji-Lazaro aime jouer avec les mots, et ceux-ci se font de plus en plus chantants dans une bouche qu’on a connue moins mélodieuse. Musicien polyvalent, issu du milieu folk, mais membre incontournable de la scène punk-rock française, Hadji-Lazaro a toujours pris un malin plaisir à fusionner les genres. Avec Bérurier Noir, Les Garçons Bouchers ont été parmi les premiers groupes de la mouvance punk à utiliser des boîtes à rythmes et des séquenceurs. Et s’il est le premier à défendre la «vraieª musique traditionnelle» (il a même fondé Acousteack, filiale de Boucherie entièrement consacrée aux musiques folkloriques), il refuse de jouer les puristes et n’hésite pas à jouer de la vielle à roue électrique ou à se servir des dernières techniques d’échantillonnage. «J’ai horreur des classifications, et je pense que les gens qui achètent nos disques aussiª, lance François. Je dis souvent qu’on a l’un des publics les plus mélangés de France: il y a des jeunes, des vieux, des gens qui viennent pour les textes et d’autres pour les musiques, des amateurs de folklore et des punks; de tout, quoi! Aujourd’hui, la musique est devenue très sectaire, que ce soit dans le milieu de la techno ou de la musique traditionnelle, et je trouve ça vraiment incroyable que de telles frontières existent encore à notre époque.»
Le 18 juin à 22 h
Coin Sainte-Catherine et Saint-Urbain
Le 19 juin à 23 h
Au Spectrum
Avec Les 3/4 Putains
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