Rachid Taha : Recours aux sources
Musique

Rachid Taha : Recours aux sources

Bien avant la grande explosion raï qui a transformé en stars Khaled et les Cheb, Rachid Taha a été l’un des grands promoteurs de l’expression algérienne en sol français. Avec son groupe Carte de Séjour, il a secoué le cocotier de la pop française, en reprenant Douce France du grand Trenet. En solo, il a poursuivi, en compagnie du réalisateur Steve Hillage (ex-Gong), une démarche qui l’a amené à explorer divers genres, du funk au techno, en passant par la guitare surf. Tous ces détours artistiques peuvent être observés sur la récente compilation Carte blanche, dont la sortie chez nous a presque coïncidé avec celle de Diwân, une compilation d’un tout autre ordre, presque entièrement composée de reprises.

Après plusieurs années de brassage culturel, Diwân est, en quelque sorte, un retour aux sources pour Rachid Taha, qui rend hommage aux grands chanteurs populaires arabes du vingtième siècle, en reprenant une dizaine de chansons incontournables. «Je préfère appeler ça un recours aux sourcesª, précise le chanteur, rencontré dans les bureaux de sa compagnie de disques à Paris. Ce n’est pas par hasard que l’album s’appelle Diwân, qui signifie "recueil de poésies assemblées"ª, mais qui a aussi donné naissance au mot "divan". De là à faire un rapprochement avec la psychanalyse, il n’y a qu’un pas…» ª
En effet, aucun geste n’est gratuit chez cet homme éclairé et engagé, qui considère son art comme une arme potentielle. Aussi, on s’étonne que Taha, qui avait déjà déclaré ne jamais vouloir retourner vivre en Algérie, ait choisi de débuter l’album avec les mots: «Candidat à l’exil, quelle que soit ta destination, un jour ou l’autre tu reviendras à ton point de départ…» (sur la très belle Ya Rayah). «C’est un hommage à la génération de mes parents, qui ont vécu l’exil de façon très douloureuse, explique Rachid. Je ne parle pas d’un retour physique au pays, mais plutôt métaphorique, puisqu’il s’agit du pays intérieur. A mon avis, le pire exil qu’un homme puisse vivre, c’est de ne pas se connaître lui-même.» ª

Il ne faudrait toutefois pas voir en Rachid Taha une sorte de néo-traditionaliste. Sur Diwân, la magie des instruments traditionnels est rehaussée par des arrangements très modernes; et à travers la culture de ses ancêtres, Taha découvre qu’il est avant tout citoyen du monde. «Ma culture, c’est celle des babouches qui deviennent des boots américaines. Le point de départ de la musique, de l’âme, est toujours le même, mais il est interprété de différentes manières selon les cultures et les environnements: pour moi, Bo Diddley, c’est un gnaoui américain…» ª

Le 19 juin à 22 h 30
Rue Jeanne-Mance
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