Musique

ProjeKct Two : Cet obscur projet de désir

FRIPP, BELEW, GUNN. Afin de garder la main et d’explorer de nouveaux territoires cette prestigieuse fraction de King Crimson nommée ProjeKct Two vient étaler à Québec quelques idées nouvelles. Événement.

Allez savoir pourquoi, c’est à Nashville que Adrian Belew a élu domicile. De là, mercenaire de luxe hautement flexible, il collabore aussi bien aux albums de Paul Simon, de Laurie Anderson que de Trent Reznor. En septembre, lorsque vous entendrez le nouveau Nine Inch Nails, souvenez-vous que c’est à Belew que nous devrons toutes les guitares «particulièrement malpropres et agressives» et même le violoncelle de l’album. Outre ces collaborations prestigieuses, le virtuose ne se prive pas, pour ses propres fins, d’explorer l’océan des sons. Deux albums solos, l’un largement construit autour de la guitare acoustique, l’autre électrique, sont actuellement en chantier ainsi qu’une compilation de raretés réunissant 90 titres composés sur vingt ans! Dans ses studios, Belew accueille aussi sporadiquement quelques musiciens légendaires qui détonnent dans la capitale du country. Fripp, Levin, Bruford, Mastelloto, Gunn: mais King Crimson n’est pas en cause, il est en réflexion et à force de séances d’improvisation, le groupe tend vers une mutation imprévisible. Ces phases de recherche plaisent particulièrement à Belew. S’il a désormais passé dix-huit ans au sein de Crimson c’est, il aime à le répéter, pour le plaisir de l’émulation et le vertige d’improviser avec quelques musiciens exceptionnels.

«C’est un partenariat sain qui me fait envisager la musique selon plusieurs angles», confirme Belew, interrompu dans la recherche d’un son, guitare dans une main téléphone dans l’autre. «L’improvisation a permis à ce vieux groupe de garder des muscles fermes et de vérifier constamment jusqu’où il pouvait aller.»
King Crimson depuis Thrak se conjugue officiellement à six. Répartis sur deux continents les horaires de ces musiciens fort prisés s’avèrent difficiles à concilier, les réunions dispendieuses. Histoire de garder la main et de voyager plus léger en septembre 97, Fripp inaugure deux groupes qui vont s’avérer deux avatars de Crimson, ProjeKct One (Bruford, Fripp, Gunn, Levin) et ce ProjeKct Two, Belew , Fripp et Gunn.

«D’abord, nous ne savions pas très bien où nous mèneraient ces ensembles d’improvisation; puis nous nous sommes vite rendu compte que ProjeKct Two serait le véhicule d’exploration pour la prochaine émanation de King Crimson que l’on peut d’ores et déjà annoncer», avance Belew. Crimson poursuivra-t-il dans le sens de la radicalisation violente de Thrak et de la tournée qui s’est arrêtée à Québec en 1995? «Entre les années 60 et Thrak ce groupe n’a pas assez évolué. Nous parcourions les mêmes paysages. Je crois que je proposerai plus de matière du genre de Matte Kudasaï (Discipline) ainsi que de nouvelles idées rythmiques et une approche plus fraîche de la guitare. Il y aura aussi un certain nombre de chansons. Nous voulons désormais afficher deux visages; d’une part, des musiques éclatées modernes et, de l’autre travers, de la musique unique et aussi des bonnes chansons bien construites.» Après tout, ce groupe qui compte quelques-uns des meilleurs musiciens au monde est assurément capable des deux.

Belew estime que l’écoute du double DC Space Groove de ProjeKct Two donnera aux amateurs une bonne impression de l’avenir.

Pour ProjeKct Two, le guitariste s’est mis aux percussions électroniques. Sur ses D-Drums il fabrique ses propres sons, sur des rythmes syncopés faits d’échantillonnages allant du tambour au vibraphone. Fripp s’élance sur de longs solos de guitares fluides, Gunn tisse une base de graves terriblement sophistiquée. L’album n’est guère planant. Plus lyrique que les derniers Crimson, assurément. A l’adresse des fans, Belew tient absolument à préciser que ProjeKct Two est un groupe instrumental, qu’il ne chantera pas, ne jouera pas de la guitare mais bien des percussions et que le trio n’interprétera aucun titre de King Crimson. Malgré cela, dit l’affable Belew, «Je crois que ça reste un petit groupe très excitant.»

Le 9 juillet
Au Grand Théâtre
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