Le baryton sibérien Dmitri Hvorostovsky chantera pour la première fois à Lanaudière la semaine prochaine, avec l’Orchestre symphonique de Montréal sous la direction de Charles Dutoit. Joint au téléphone en Allemagne, le chanteur se souvient, avec un dépit manifeste, d’avoir jadis annulé un concert chez nous. «J’étais malade, je ne pouvais pas faire autrement», se justifie-t-il, en vrai professionnel qui n’a pas l’habitude de renier ses engagements.
Nous ne perdions rien pour attendre. Le grand baryton sera à l’amphithéâtre le 18 juillet, pour chanter une ouvre qui lui tient particulièrement à cour, les Chants et danses de la mort de Moussorgski, ainsi que plusieurs extraits d’opéras de Verdi (Un Ballo in Maschera, Il Trovatore, Don Carlo). Impressionné par la réputation de Dutoit à l’étranger, Hvorostovsky se dit «très honoré» de chanter avec lui.
Déférent et poli, le baryton semble posséder sous ses dehors charmants un caractère d’acier trempé. «Évidemment, je sais ce que je veux», tranche l’artiste lorsqu’on évoque ses choix de vie. L’un de ces choix consiste à vivre à Londres, alors que certains de ses anciens compatriotes auraient bien voulu le voir rester au pays. Pourquoi Londres? «Au lieu de Montréal?… taquine Hvorostovsky. Parce que Londres est une ville très active musicalement, que j’y ai beaucoup d’amis, en plus de mon agent. Et de plus, je voulais un endroit où ma famille soit en sécurité. Une des raisons pour lesquelles j’ai quitté mon propre pays, c’est que je commençais à vraiment trop m’inquiéter quand je partais en tournée.» Père de jumeaux, Hvorostovsky accorde de l’importance à sa famille, mais refuse d’établir un ordre de priorité. Dans sa vie, beaucoup d’autres choses comptent énormément: ses amis, sa carrière, la musique. Et quand on a tout, pourquoi ne pas vouloir tout garder?
Beau brummel
Lorsqu’on dit qu’Hvorostovsky a tout, on pense tout de suite à sa beauté, une beauté racée que les médias s’empressent toujours de souligner à gros traits. Au point que le baryton s’est lassé des qualificatifs stupides, hormis celui de sex symbol, qui sert à merveille sa carrière. Au cours de l’entrevue, il mentionne quelques-uns de ses «titres» médiatiques avec une irritation manifeste dans la voix: «Siberian Express», «le tigre de Sibérie», «l’Elvis de l’opéra», etc. En fait, les revues de presse sur Hvorostovsky regorgent de commentaires sur son apparence physique, au demeurant fort agréable.
«On a exagéré mon allure», exprime le chanteur avec modestie… Toutefois, il concède qu’aujourd’hui, ces commentaires l’énervent moins. «J’ai vieilli.» Le baryton trouve même un bénéfice dans toute cette publicité: «Parfois, je sens que je n’ai rien à voir avec ça, mais qu’il faut que je m’en accommode, pour ne pas décevoir les gens (rires). Si cela peut aider la carrière, et faire venir le public, c’est bien, que ce soit le terme de sex symbol ou n’importe quoi d’autre. Certaines personnes vont venir pour ça, et il dépend de moi de les faire rester et écouter jusqu’à la fin.»
Hvorostovsky n’a rien contre les événements destinés à faire connaître l’opéra au plus grand nombre, au contraire. «J’aimerais que de plus en plus de gens viennent voir l’opéra, parce que c’est un genre merveilleux, qui existe depuis des siècles, et qui réunit tout ce qui existe dans les arts.» Des rencontres comme celles des trois ténors lui sont donc plutôt sympathiques, à condition de ne pas appliquer toujours la même recette! «Je ne veux pas refaire ce qui a déjà été fait. Les trois ténors, c’était hier. Je veux faire des choses nouvelles et intéressantes. Chaque talent est unique.»
A cause de son physique, le chanteur a été sollicité pour des projets à caractère carrément commercial, mais il préfère rester fidèle à la musique qui l’accompagne depuis l’enfance. «Je suis assez riche, je ne veux pas le devenir plus. Je m’intéresse davantage à la musique que j’aime qu’aux produits commerciaux.» Bien entendu, le baryton adolescent a tâté de la musique rock… ce qui n’a certainement pas nui à son aisance scénique. Sur disque, le tout dernier enregistrement d’Hvorostovsky – sous contrat avec Philips ±- est consacré à Rimski-Korsakov.
Parvenu au faîte de sa célébrité, il dit chercher à maintenir un équilibre constant entre ses deux vocations musicales: récitaliste et chanteur d’opéra. «J’essaie de toujours partager ma carrière moitié moitié. Je ne veux pas perdre le plaisir de chanter seul sur scène, de ne partager avec personne le succès ou le désastre!»
Le 18 juillet
A l’Amphithéâtre de Lanaudière