Wyclef Jean : Original Haïtien
Musique

Wyclef Jean : Original Haïtien

D’abord dans l’ombre des Fugees, WYCLEF JEAN s’est révélé comme un talent majeur au potentiel universel avec son premier album solo; il est ainsi devenu l’Haïtien le plus célébré de la diaspora et l’artiste antillais le plus reconnu depuis Bob Marley. Histoire d’une trajectoire en expansion.

Né en Haïti près de Croix-des-Bouquets, en 1970, Nelust Wyclef Jean était fasciné, sans doute comme la plupart des enfants, par cette grande célébration musicale qu’est le Carnaval. Après que la famille Jean eut immigré à Long Island, Brooklyn, alors qu’il n’avait que huit ans, sa mère l’introduisit à la musique en lui faisant cadeau d’une première guitare. Qui eût cru que, vingt ans plus tard, Wyclef Jean deviendrait l’Haïtien le plus célébré de la diaspora, et probablement l’artiste antillais le plus reconnu mondialement depuis Bob Marley!

Alors que dans le monde de la musique pop, on a tendance à trafiquer son nom et toute trace d’ethnicité contre la promesse d’un public plus large, Wyclef Jean se vante, lui, à la face du monde entier, d’être «l’original Haïtien» et métisse sans ménagement toutes les inspirations qui ont marqué son évolution musicale, du compa chéri au rock des années soixante-dix, en passant par le reggae, le gospel et les chansons d’enfants qu’il utilise fréquemment à la base de ses mélodies; le tout enrobé d’une sensibilité hip-hop tout à fait crédible. Et c’est ce qui fait son charme unique. A la fois badboy, activiste, rebelle, poète, et même parfois un peu «nerd», Wyclef Jean est à son plus subversif, puisqu’il réunit finalement tous les publics à sa manière.

Février 1996. Malgré quelques remous causés par les remix de Salaam Remi des extraits Nappy Head et Vocab, on considère la réaction du public face au premier album des Fugees, Blunted On Reality, comme une réelle déception. Les influences variées et multiples de Lauryn Hill, Pras Michel et Wyclef Jean laissaient bien pressentir un nouveau genre de courant musical, mais on reconnut beaucoup plus rapidement l’énorme potentiel de Lauryn, la diva nouveau genre au minois de Betty Boop noire, plutôt que le talent d’auteur-compositeur encore infondé de Wyclef. Puis, vint The Score – ainsi nommé parce que le groupe revenait «régler son compte» avec ses détracteurs – qui, à l’aide principalement des versions de Killing Me Softly de Roberta Flack et de No Woman No Cry de Bob Marley, s’est écoulé à plus de 17 millions de copies mondialement, et a remporté deux Grammys. A la lumière de ce gigantesque coup d’éclat (d’État?), les mauvaises langues ont vite accusé le trio d’opportunisme, l’ont traité de «cover band» de second ordre, ne reconnaissant toujours pas l’originalité particulière de l’Haïtien. La parution de son premier album solo intitulé Wyclef Jean Presents the Carnival Featuring Refugee Allstars, un projet hautement audacieux, joyeux pot-pourri de styles et de genres musicaux, dont les pièces sont souvent reliées par des intermèdes humoristiques (assez sarcastiques), et parsemé de collaborations d’invités prestigieux comme les Neville Brothers, Celia Cruz et les I-Threes, vint confirmer hors de tout doute qu’on avait affaire à un talent majeur. Des échantillons sonores aussi divers que le Concerto pour Une Voix de Danièle Licari, The House of The Rising Sun, et bien sûr le Staying Alive des Bee Gees ont été réunis pour concocter ce Carnaval musical , qui, en bout de compte, aura généré trois grands succès (We Trying To Stay Alive, Gone Till November et Guantanamera) et des ventes multi-platines! Wyclef s’est même payé le plaisir de chanter en créole sur Sang Fézi, Jaspora, la superbe Yélé Yélé, une chanson de rédemption dédiée à son peuple, et Carnival, un compa typique irrésistible qui met invariablement le feu aux poudres à tous les carnavals depuis sa parution, la plus récente CariFête de Montréal à l’appui.

Avril 1997 marquera le retour triomphal (et le mot semble faible) de Wyclef Jean avec les Fugees en Haïti, pour un concert-bénéfice devant 100,000 fans survoltés. Avant de quitter la scène, un Wyclef sceptique avertira la foule: «Demain, je retourne à New York. Surveillez où va l’argent.» Il aura malheureusement raison de douter des fonctionnaires assignés au projet: par la suite, le gouvernement annoncera que le spectacle qui avait amassé 300,000$ couvre à peine ses frais. Un an plus tard, sous l’égide de la Fondation Wyclef Jean, un organisme sans buts lucratifs fondé pour aider les réfugiés haïtiens et leurs familles chez eux et à l’étranger, il montera un autre concert-bénéfice similaire, à Miami, avec Salt-N-Pepa, Lord Tariq & Peter Gunz, son nouveau protégé Canibus, et le Scare Them Crew. Dorénavant, Wyclef pourra garantir que l’argent servira à bon escient.

Loin de s’asseoir sur les lauriers d’un succès planétaire et de se contenter de répéter l’exploit régulièrement, Clef pousse le concept du noyau familial, du camp de réfugiés dans tous les sens. Par exemple, son plus récent projet, Refugees, Passport and Greencard, un premier film dont «il n’est pas encore trop sûr du sujet», vraisemblablement un genre de conte urbain autobiographique, semble lui tenir beaucoup à cour. Il espère pouvoir le présenter au Festival de Sundance le printemps prochain. Joint au studio de son cousin et coréalisateur Jerry «Wonder» Duplessis, le «Booga Basement» au New Jersey, Wyclef explique qu’il se considère un peu comme un bandleader de Carnaval: «J’aime demeurer le réalisateur exécutif de tous les projets du Refugee Allstars, en plus de remixer toutes mes productions moi-même. Présentement, de son côté, mon cousin Jerry lance sa propre compagnie de production Booga Basement avec MB2 , un duo féminin R&B; alors que moi, je termine le mixage du nouvel Earth, Wind and Fire. Mais j’ai aussi bien hâte à la tournée: j’aime autant la scène que le studio», affirme-t-il, tout en donnant ses consignes à son entourage. Le Refugee Allstars Camp s’affiche plus fièrement que jamais; tous ses membres travaillent activement, certains à la mise en marché de leur prochain album: The Miseducation of Lauryn Hill, disponible d’ici quelques jours, et Wyclef avec son deuxième album solo pour octobre. John Forté s’affaire à la promotion de son nouvel opus Poly Sci, alors que Pras termine son propre album Ghetto Supastar, nommé d’après son succès avec ODB et la jeune Mya, extrait de la bande sonore Bullworth. C’est aussi cette bande sonore qui provoqua la rencontre de Wyclef, en tant que réalisateur, et de la superstar africaine Youssou N’Dour, pour la très belle chanson How Come, enregistrée en duo avec Canibus. Clef s’est engagé à réaliser quelques extraits du prochain album de Youssou cet automne. Et finalement, notre homme n’est pas peu fier de son jeune poulain, qu’il a guidé vers la célébrité, grâce à ses combats de MC livrés sur disque contre le vétéran LL Cool J. Il se contente de nous avertir: «Surveillez Canibus et son album cet été. Il sera dangereux». Mais, malgré toute l’admiration qu’on lui voue maintenant, après des années de travail acharné, Clef se défend bien d’être un modèle pour ses jeunes fans: «Je fais ce que je fais et je ne me préoccupe pas du reste», laisse-t-il tomber nonchalamment. Ça semble marcher pour lui.

Le 23 juillet
Au Smoking Grooves Tour
Au Stade du Maurier du parc Jarry
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Smokin Grooves Tour 1998
La troisième édition annuelle du Smokin Grooves Tour passera pour la première fois par Montréal, une première du genre qui nous promet cinq heures de hip-hop, le 23 juillet, à partir de 18 h, au Stade du Maurier. Au programme, cinq formations notoires, reconnues pour leurs prestations scéniques, deux nouvelles venues au talent bien prometteur, et une surprise de dernière minute! En tête de liste, le retour de Public Enemy, en pleine gloire avec He Got Game – la meilleure chanson de l’été, jusqu’à maintenant. Cypress Hill, des favoris à Montréal depuis leurs débuts, repasseront faire un autre fumant pèlerinage, et présenteront peut-être des extraits de leur nouvel album prévu pour septembre. Wyclef Jean & The Refugee Allstars, qu’on pourra finalement voir dans un environnement… contrôlé, promettent de nombreuses nouvelles surprises, considérant que chacun d’entre eux a du nouveau matériel solo. Busta Rhymes proposera ses rimes psychotiques au style kamikaze, mais le point fort de la soirée risque fort d’être la prestation de Gang Starr, dont le récent Moment Of Truth nous a délectés de nouveau des prouesses habiles et subtiles de Guru et DJ Premier. Canibus, le jeune prodige dont le premier album paraîtra cet été, viendra défendre sa réputation de «King» des mix-tapes. La plus récente réalisation d’Organised Noize, la formation Black Eyed Peas, introduira son groove néo-soul et R&B. Et finalement, joyeuse initiative, l’addition d’une présence féminine en la personne de la jeune chanteuse Mya (Ghetto Supastar) en dernière minute au programme. Que demander de plus, sinon la meilleure sécurité possible et des cieux cléments…