Groovy Aardvark : Crise et chuchotements
Musique

Groovy Aardvark : Crise et chuchotements

Un nouvel album, une longue tournée québécoise, plein de projets: le groupe originaire de Longueuil, n’en déplaise à certains, n’a toujours pas dit son dernier mot…

D’abord, taisons la rumeur selon laquelle la tournée Belvédère Rock aurait été le chant du cygne de Groovy Aardvark, l’un des groupes les plus persévérants de la scène underground québécoise. Malgré ce que l’on a pu lire récemment sur Internet, la formation originaire de Longueuil n’a aucunement l’intention d’accrocher ses patins, même que depuis la parution d’Oryctérope, les swingants fourmiliers semblent avoir trouvé un second souffle. A l’aube de cette tournée, qui les mènera aux quatre coins du Québec et de l’Ontario en compagnie du groupe canadien Big Sugar, Vincent Peake, chanteur et bassiste, fait le point.

«En fait, c’est un peu de ma faute si la rumeur s’est propagée», s’excuse Vince. «Au mois de janvier, avant d’entrer en studio pour faire l’album, je me sentais un peu démotivé, et j’ai eu la mauvaise idée d’en parler autour de moi, ce qui a fait croire à certaines personnes que le groupe était fini. On avait des problèmes internes, mais pas vraiment plus que d’habitude: quand ça fait onze ans que tu bûches, c’est normal de te poser des questions avant de faire un disque ou de commencer une tournée.»

La crise semble avoir servi de catharsis aux membres de Groovy, et une fois la poussière retombée, ils sont entrés en studio plus soudés et plus motivés que jamais. Sur Oryctérope, le groupe apparaît plus détendu et enthousiaste, mais toujours aussi percutant que d’ordinaire. «On a décidé de prendre les choses comme elles venaient, sans stress et sans deadlines, explique Vince. Une fois nos problèmes réglés, lorsqu’on s’est rendu compte qu’on allait tous dans la même direction, l’atmosphère en studio est devenue vraiment cool. Pour la première fois, on a carrément improvisé des tounes en studio, en étirant des bouts qui ne devaient être que des intermèdes musicaux, et écrivant des paroles sur un coin de table, dix minutes avant de les enregistrer. Étrangement, elles sont parfois meilleures que celles qui ont demandé plus de travail!»

Parmi ces pièces spontanées, on retrouve le puissant single Ingurgitus, qui tourne de plus en plus dans les clubs, ainsi que C’est une attaque, véritable déclaration d’intention dans laquelle

Vince annonce la couleur des choses à venir: «Bienvenue à un album rock / Qui restera peut-être en stock / Paraît qu’c’est pus dans l’vent / Paraît qu’on nage à contre-courant». Les guitares demeurent donc à l’avant-plan, et Groovy se permet même de renouer avec les structures éclatées, voire progressives, qu’ils avaient quelque peu délaissées sur leur album précédent, Vacuum. Dans la même pièce, Vince médite aussi sur le succès inespéré de Dérangeant, seul succès radiophonique de Groovy en onze ans de carrière: «Pas de cadeaux pour la radio / Les clients au dépanneur / Chantent mes chansons et ça m’fait peur».

«On était très surpris et très contents que Dérangeant tourne à la radio, mais on n’a pas pris ça comme un aboutissement: ça n’avait jamais été notre but de devenir un groupe qui tourne, alors on n’a rien fait pour devenir plus pop, lance Vince. Quand tu viens du milieu alternatif, où tout est fait en réaction contre la musique commerciale, tu ne peux pas renier tes idéaux et faire des compromis pour pouvoir passer à la radio. Par contre, j’aurais bien aimé que le succès de cette toune permette un véritable crossover, que ça ouvre la porte à d’autres groupes, mais la brèche s’est refermée tout de suite, et ils ont refusé de jouer les autres tounes de l’abum.»

Malgré une absence de compromis et un lancement discret, au plus fort de la saison des festivals, Oryctérope n’est pas nécessairement condamné à l’obscurité. Loin d’être obtus, il recèle même quelques hits potentiels (si Ingurgitus est trop lourd pour les radios, Téléthargique pourrait très bien faire l’affaire) qui pourraient permettre au groupe d’ajouter des fans aux milliers de fidèles qui les suivent depuis leurs débuts. Ceux-ci auront peut-être remarqué quelques changements à l’intérieur du groupe: le batteur Pierre Koch apparaît pour la première fois sur disque, Martin Dupuis confirme sa place de compositeur associé et guitariste numéro un, tandis que l’autre manieur de six cordes, Marc-André Thibert, s’installe pour de bon dans le rôle d’ingénieur du son.

«Je suis content qu’il y ait quelqu’un dans le groupe qui puisse s’occuper de cet aspect de la musique, parce que je serais absolument incapable de le faire. Marc-André est maintenant actionnaire du studio Plante Verte, ce qui nous donne beaucoup plus de liberté et qui permet de contrôler tous les aspects de la production d’un disque.» Fort de sa nouvelle énergie, le groupe déborde de projets pour la prochaine année. En plus des nombreux concerts qui s’en viennent, on prévoit une collaboration à Noël dans la rue 2, l’enregistrement d’un album live et d’un album-compilation pour lequel le groupe a l’intention de retravailler les pièces sorties sur cassette entre 1986 et 1991. Alors oubliez les rumeurs: le fourmilier n’a pas dit son dernier mot.

Le 11 septembre
Au Spectrum