Musique

Les vingts ans de L’Air du temps : Nouvelle ère

Pendant vingt ans, la boîte de jazz de la rue Saint-Paul a été, et est toujours, le lieu préféré des musiciens d’ici. Si la vocation jazz de ce lieu exigu – mais combien chaleureux – n’a à peu près pas changé depuis deux décennies, c’est que tout le monde s’entend, les musiciens comme le public: on se sent chez soi à L’Air du temps. Quand on y pénètre, juste d’un point de vue architectural, on entre presque dans un musée. On pourrait parler des murs de briques, de l’escalier en spirale qui provient des double-deckers londoniens du début du siècle, des salons-wagons qu’utilisait jadis le premier métro de Paris, des ventilateurs au plafond, de la petite mezzanine, des lustres et abat-jour; bref, un astucieux ramassis de reliques qui donnent une âme aux quatre murs.

Sauf que tout cela ne signifierait pas grand-chose sans les musiciens. Ce sont eux, les vrais meubles. Ce sont eux, qu’on va voir et entendre casser leurs nouvelles compositions. Ce sont eux, qui tentent des expériences, qui choisissent L’Air du temps pour se redonner confiance, ou qui, simplement, viennent comme clients, prendre le pouls de la douce folie du moment. Et, disons-le, il s’agit du dernier établissement du genre. Fini, le Black Bottom, l’Esquire Show Bar, Le Rockhead’s Paradise et le Rising Sun. Ce n’est pas chez Biddle’s, un restaurant avant tout, qu’on lâche son fou.

«Moi, ça me fait penser au Birdland ou au Five Spot à New York, de dire Michel Donato, le porte-parole, d’une longue série de concerts célébrant cet anniversaire, qui débute le 15 septembre et se poursuit jusqu’au 1er novembre. Ce n’est pas juste le building qui est encore là, c’est l’esprit du building qui est intact. Sur la scène, tu peux essayer des patentes, les gens sont connaisseurs, ils écoutent. Si t’aimes Michel Cusson, ben t’es à côté de lui», de caricaturer Donato, qui compte parmi ses meilleurs souvenirs, ses débuts avec Karen Young, ses improvisations avec Lorraine Desmarais et le coup d’envoi du projet Basse-contrebasse, avec une autre colonne du temple, Alain Caron.

Le principal intéressé du Michel Cusson Projet III, qui sera offert en primeur à L’Air du temps du 15 au 18 octobre, y va avec les tripes: «Tu te sens complètement libre de jouer. Moi, je ne vais pas là pour prouver quoi que ce soit, je vais là pour échanger. C’est le seul endroit où tu peux prendre des risques. J’ai joué là à peu près mille fois, dit Michel Cusson, en exagérant à peine, et ce que j’aime, c’est le son. Le plafond n’étant pas très haut, ça crée une espèce de symbiose automatique. T’as pas besoin de forcer, ça joue tout seul.»

«C’est brésilien, world beat, etc. C’est parfait, de dire Vic Vogel, soixante-trois ans bien sonnés, qui n’a pas joué à L’Air du temps depuis presque quinze ans. Tu peux pas remplir une place juste avec du be-bop ou du swing, ça prend autre chose. Faut que t’en donnes pour tout le monde.» «Pour moi, ça évoque un sentiment d’appartenance, et j’espère faire partie des fantômes quand l’endroit n’existera plus», de témoigner le pianiste François Marcaurelle, qui, lui aussi, offira au public ses nouvelles pièces dès ce week-end.

Louis Côté, l’actuel copropriétaire avec le jazzman Luc Hamel, a concocté une programmation-marathon pour souligner le vingtième. Jusqu’au 1er novembre, c’est rien de moins qu’une orgie musicale tous azimuts qui nous attend. Treize captations-télé seront immortalisées par Jacques Bouchard; de plus, un organisme pour la promotion, la diffusion et la production du jazz verra le jour et culminera vers un événement annuel qui sortira du sympathique bar. «On veut continuer la tradition et ajouter les nouvelles tendances», promet Côté. On vous en reparle, c’est sûr.

Du 15 septembre au 1er novembre
A L’Air du temps
Voir calendrier Jazz, Blues, etc.