Garth Brooks : Shériff et célèbre
Musique

Garth Brooks : Shériff et célèbre

GARTH BROOKS aura mis moins de dix ans pour devenir le roi incontesté de la musique country. Moins de dix ans pour devenir l’artiste solo à avoir vendu le plus de disques au monde. Tout cela ne s’est pas fait sans casser des oufs. Anatomie de la révolution Brooks.

Sans lui, l’industrie de la musique country telle que nous la connaissons aujourd’hui serait bien différente. Certes, Nashville, sa capitale, continuerait d’alimenter l’Amérique sans que son rayonnement ne dépasse le corral originel. C’était avant que Garth Brooks vienne tout bousculer et que sa popularité dépasse largement les cadres habituels.

Si les critiques de l’univers pop et rock reconnaissaient et parfois révéraient les légendes du genre comme Hank Williams, Tammy Wynette ou Willie Nelson, ils allaient percevoir chez Brooks un potentiel différent. C’est que l’ami Garth a embrassé la carrière de chanteur country comme on fait chanteur de rock, en faisant flirter airs et arrangements avec des éléments rock, pop et folk. Il y en aura pour tous les goûts, peut-être trop aux yeux des purs et durs de la country. Mais, comme d’habitude, c’est le public qui parlera. A commencer par les femmes qui découvrent enfin un cow-boy sensible qui leur parle et les comprend. Normal, plusieurs de ses grandes ballades ont été écrites par et avec des femmes, dont l’auteure Victoria Shaw qui lui a écrit The River, un de ses premiers classiques.

Ces chansons sont d’ailleurs plus proches des ballades traditionnelles comme If Tomorrow Never Comes, What She’s Doing Now, That Summer ou Unanswered Prayers, racontant l’histoire d’un type remerciant Dieu de ne pas avoir favorisé son mariage avec sa copine de collège au profit de son épouse actuelle. Tout ceci a trouvé un écho plus que favorable pas seulement auprès des femmes, mais aussi chez les cow-boys. D’ailleurs, Brooks allait quand même leur donner assez de honky-tonk et de country-blues pour les satisfaire, comme la très rock’n’roll Ain’t Goin’Down (Till the Sun Comes Up), Papa Loves Mama et les chansons à boire tel Friends in Low Places et American Honky-Tonk Bar Association.

Avant que paraisse Sevens, son septième album, en novembre 97 (sans compter l’album de Noël et la compil The Hits), Brooks a vendu soixante-deux millions d’albums, ce qui le place juste derrière les Beatles avec soixante-sept millions et des poussières. Voilà un chiffre magique qui n’est pas sans stimuler le chanteur qui mettra tout en ouvre pour dépasser le groupe mythique. Ainsi, à l’instar des Simon & Garfunkel et des Diana Ross, Brooks s’offre Central Park pour un concert démentiel destiné à promouvoir la sortie de Sevens à l’été 97. Le concert aura lieu, mais l’album ne sortira pas en même temps car l’artiste veut être sûr d’être correctement appuyé par sa compagnie de disques. Ce qui débouchera sur une restructuration de la branche Nashville de Capitol. Avez-vous dit artiste de poids?

Aujourd’hui, les choses vont bon train: la tournée qui nous amène le chanteur fait salle comble et un coffret de ses six premiers disques a atteint la première position du palmarès en mai dernier. Les Beatles n’ont qu’à bien se tenir, à moins qu’ils ne sortent une nouvelle anthologie… Qui dit tournée dit concert, et c’est là que réside une autre des forces majeures de Garth Brooks. Le concert intime, très peu pour lui. Sous des dehors modestes et une allure de bon père de famille se cache une bête de scène jadis fascinée par la théâtralité des groupes rock, Kiss en tête (rappelons pour l’anecdote que Brooks a repris Hard Luck Woman sur le disque hommage consacré au groupe de New York). Donc, voici un chanteur country apparemment semblable aux autres, qui chante des trucs bien sentis, tout en ne se privant pas de faire ériger un mur de feu derrière lui ou de fracasser une guitare quand bon lui semble. Quand il ne survole pas la foule attaché par un harnais. Hank Williams doit rigoler dans sa bière et être fier de ce drôle de rejeton.

Le 1er octobre
Au Colisée de Québec