Sur une autre planète : Massive Attack
Musique

Sur une autre planète : Massive Attack

Drôle de show que nous a présenté Massive Attack, la semaine dernière, au Métropolis. Drôle de show, parce que, tout de suite en commençant, le trio de Bristol nous a envoyé quelques-unes des très bonnes chansons de Mezzanine: Angel, Man Next Door, Teardrop, etc. Sans préparation aucune, comme si ce n’était que pour réchauffer l’atmosphère et les musiciens. Décidément, ces chansons méritaient mieux. Beaucoup mieux.
Le reste du spectacle nous a permis de constater que la seule comparaison possible avec Massive Attack est fort probablement un groupe comme Radiohead. Comme ces derniers, Massive Attack n’appartient plus à un mouvement, à une école, à un genre précis. Massive Attack ne fait plus de trip hop depuis Blue Lines. Massive Attack ne fait plus dans le dub depuis Protection. Massive Attack ne fait que du Massive Attack, tout à fait librement.

Voir un groupe d’un tel calibre jouer aussi librement, sans le moindre petit souci de ce qui est à la mode ou pas, est assez jouissif. Bien sûr, le dub est encore présent, mais complètement transfiguré par le groupe. Tout comme le reggae et plusieurs autres genres musicaux que le trio frôle avec un plaisir évident.

Suite à ce spectacle (et plus particulièrement aux dernières quarante minutes), il devient complètement faux de limiter Massive Attack au trip hop. Les Bristoliens sont complètement dans leur univers, dans leur musique. Les liens avec le vrai monde existent encore un peu, mais de moins en moins. Pas que le groupe soit déconnecté, juste qu’il évolue dans une espèce de monde parallèle, où se croisent toutes les musiques du monde.

Ce qui fait que lorsque Massive Attack revient sur Terre pour nous présenter le résultat de ses recherches, il ne ressemble plus à personne. Il ajoute des guitares heavy sur des rythmes dub. Il chante du soul sur une musique qui se rapproche de la cold-wave. Il rappe lentement, comme s’il nous annonçait la fin du monde, sur un reggae chaleureux. Massive Attack est sur sa planète, et pour le suivre, il faut y être préparé; il faut faire, tout de même, quelques efforts.

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La déception face à ce concert est venue de toutes parts, mais plus spécialement du fond du Métropolis, où le son de Massive Attack ne s’est jamais rendu. Il fallait s’approcher de la scène pour ressentir convenablement les secousses des basses et le soul du bon vieux Horace Andy. Il fallait s’approcher de la scène pour entrer dans cet univers unique, incomparable.

A l’arrière (je le sais pour y avoir passé les quinze premières minutes…), rien ne se passait, rien ne passait. Il faut dire aussi que c’était le premier show important depuis la rentrée et qu’une bonne partie de cette industrie s’y retrouvait. Essayez donc de vous concentrer quand il y a toujours quelqu’un qui vous tape sur l’épaule, qui veut vous parler de ses prochaines sorties ou n’importe quoi.

A l’avant, Massive Attack était vraiment bon. A l’avant, on comprenait beaucoup mieux où Massive Attack voulait en venir. A l’avant, les ambiances sonores prenaient tout leur sens. A l’avant, la qualité d’écoute du public y était aussi. Dommage pour tous ceux qui sont restés à l’arrière. Je crois qu’ils ont manqué un vrai bon spectacle musical. Pas de sparages. Juste de la musique. Et de la saprée bonne.

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Les Respectables, groupe originaire de Québec, qui ont connu un bon succès l’été dernier avec la chanson La Java, étaient au Cabaret, la semaine passée, histoire de nous présenter quelques-unes des nouvelles chansons qui figureront sur leur prochain album, qui risque d’être, en grande partie, en français.

Si Les Respectables ont toujours été et continuent à être sous l’influence dominante des vieux Rolling Stones (voir le guitariste et ses poses directement piquées à notre homme Keith), lorsqu’il chante en français, étonnamment, le groupe trouve une nouvelle souplesse, se fend d’un groove qu’il n’a pas souvent en anglais, comme si, dans la langue de Jagger, il était trop près de sa référence.
Vous auriez dit ça aux Respectables, il y a quelques années, et ils auraient, avec raison, ri de vous. Maintenant, la preuve en est faite: si le français swingue différemment de l’anglais, il swingue au moins autant. Une chanson comme Monsieur 7-Up, une des nouvelles présentées par Les Respectables, le démontrait plus que clairement.

Il faut aussi préciser que Les Respectables font le tour de la province depuis plusieurs années et que cette expérience est toujours mise à profit en spectacle. On a devant nous un chanteur plus que potable en la personne de Sébastien Plante, un guitariste impeccable avec Pascal Dufour, et une section rythmique irréprochable avec le bassiste Stéphane Dussault et le batteur Stéphane Beaudin. Tous savent exactement dans quoi ils sont bons et exploitent ce talent au maximum.

Seule ombre au tableau de cette soirée, les deux reprises proposées par le groupe: Et moi, et moi, et moi de Jacques Dutronc, et Marcia Baïla des Rita Mitsouko. Des choix beaucoup trop évidents, qui ramènent les Respectables à un groupe de brasserie. Un peu plus de recherche sur ce plan n’aurait certainement pas nui. On s’en reparle la prochaine fois…