Le 6 octobre, au Liquor Store
Il y a un peu plus d’une semaine, Vilain Pingouin effectuait son retour officiel sur une scène québécoise. Enfin on allait avoir l’heure juste, enfin on allait pouvoir répondre à la question qu’on se pose depuis la sortie de Y’é quelle heure?: Vilain Pingouin a-t-il toujours le feu sacré?
Si on s’était fié au seul premier set, le verdict serait tombé comme le couperet d’une guillotine. Les musiciens semblaient inconfortables et le public gêné. Le groupe proposait ses nouvelles pièces sans l’enthousiasme qui aurait été nécessaire. L’assistance réagissait poliment, sans plus. Rudy Caya, pourtant leader du groupe, semblait absent. Vilain Pingouin s’exécutait avec la rigueur que lui confère une dizaine d’années d’expérience, mais le show ne levait pas. A part le moment où Claude Samson a remarquablement rendu Les Rats, le concert sombrait dans un ordinaire particulièrement déprimant.
Dieu seul sait ce qui s’est passé dans la loge entre les deux parties, mais quand les «Pingouins» ont attaqué avec Sous la pluie, on a eu l’impression d’avoir affaire à un nouveau groupe. Là, les gars étaient dedans. Ils nous ont balancé une couple de vieux tubes (Les Belles Années, Salut salaud, Marche seul) et prenaient maintenant leur pied à jouer leurs nouvelles tounes (Miroir miroir, Maudit que la vie…). Claude Samson était encore le plus éclatant: il passait de l’accordéon au banjo ou à l’harmonica avec la même adresse et le même air jubilatoire. Michel Bertrand (le petit nouveau) pinçait sa basse avec entrain et Rudy avait retrouvé le sourire et l’énergie qui lui manquaient cruellement lors du premier set.
Les «Pingouins» ont eu du mal à briser la glace, mais il faut reconnaître qu’ils savent encore manier le pic. (A. Vigneault)
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Isabelle Boulay
Le 10 octobre, à la Salle Albert-Rousseau
Isabelle Boulay a une voix superbe. Une voix puissante, un registre étendu et un grain de sable sur les cordes vocales qui fait qu’elle frôle parfois la raucité. Évidemment, lorsque l’interprète monte sur scène, c’est pour nous en mettre plein les oreilles. A ce titre, la performance qu’Isabelle Boulay a offerte à la Salle Albert-Rousseau était tout simplement remarquable. Pendant près de deux heures, la chanteuse s’est exécutée avec un plaisir évident doublé d’un grand professionnalisme. Pas une note de travers, pas l’ombre d’un fil qui dépasse. C’était un concert techniquement parfait, lisse et poli.
Qu’a-t-on à redire? Presque rien. On a juste une question au bord des lèvres: pourquoi diable Isabelle Boulay est-elle si peu audacieuse? Avec cette voix qui lui sort du fond des tripes, elle pourrait nous faire chavirer en moins de deux. Au lieu de cela, elle s’enferme dans un répertoire archi-conventionnel et livre des interprétations sans surprises. Bien sûr, ça lui va bien de chanter Daniel Seff ou Francis Cabrel; elle nous donne même quelques frissons au passage. Mais elle est fichtrement plus intéressante lorsqu’elle se frotte à Gainsbourg (Tandem, Couleur café) ou à Zachary Richard (La Complainte de Jean Batailleur). Même que, avec la voix qu’elle possède, on aurait envie de la voir tâter de la soul music ou du blues. Elle y trouverait peut-être l’âme qui manque à plusieurs de ses chansons formatées exprès pour les radios et nous n’aurions pas l’impression de voir une autre bonne interprète gaspiller sa passion et son talent. (A. Vigneault)