

Pierre Barouh : Hasards ou circonstances
François Desmeules
Photo : Jean-Luc Guérin
C’est une histoire d’amour et de hasard, l’histoire fugitive, une histoire écrite comme une chanson. Cela se passait sur un quai de gare. Sur les écrans, Anouk Aimée embrassait Jean-Louis Trintignant derrière un refrain indolent. Dabadabada dabadabada faisait chavirer le cour des Français.
Pierre Barouh a construit son royaume sur une seule chanson. En 68, fort du petit capital que lui rapporte le thème du film de Lelouch, il fonde l’étiquette de disques la plus mythique de France: Saravah. Il y enregistrera en trente ans une demi-douzaine d’albums magnifiquement indolents dont les plus mémorables sont assurément Ça va, ça vient et Le Pollen. Bien sûr, le mythe ne se nourrit pas d’un 33 tours aux cinq ans. Homme d’affaires s’étant exercé sur les marchés fruitiers du Brésil, visionnaire dont on commence à peine à mesurer l’incidence sur la chanson française, Barouh endisque (plus ou moins) Higelin, Brigitte Fontaine, Jean-Roger Caussimon, David Mac Neill, Maurane et même Steve Lacy. Bien en évidence sur chaque pochette, le célèbre slogan de l’étiquette («Il y a des années où on a envie de ne rien faire») témoigne de l’indolence réfléchie de son maître. Chansons originales doucement improvisées, chansons douces, chansons folles, chansons d’orfèvres, on ne compte pas les chefs-d’ouvre endisqués sur Saravah. Il n’y a que ça.
Durant trente ans, Barouh gère sa petite entreprise entre deux voyages. Ses propres albums sont tachés de rencontres, le Brésil de la samba, le Japon techno de Sakamoto et le Québec de Michel Rivard où il passe régulièrement. Au pays du soleil levant, l’amour d’une certaine France sauve, un temps, l’étiquette du péril financier. Barouh y rencontre sa deuxième épouse. Lui qui se promène toujours caméra vidéo à la main, il y produit de petits films anecdotiques sur ses pérégrinations.
Alors que la chanson française se retrouve difficilement des naïvetés, la patience tranquille de cet homme adorable qui, malgré trois maisons, a gardé la raison, s’élève en art révolutionnaire. En marge de tous les courants, Saravah persiste et, durant cette décennie, signe de nouveaux artistes. L’exotique Bia, la réaliste Kucheida, d’autres encore… En 1997, une rumeur persistante qui courait sur quelques… années se confirme: dix ans après Noël, Pierre Barouh enregistre un nouvel album, Itchi Go Itchi E, ce qui en japonais signifie: une rencontre, une occasion. Amplement ponctué de rythmes latins, l’objet indolent et assurément déjà classique, sur lequel on retrouve un inédit de Caussimon chanté en duo avec Claude Gauthier, ne vient pas seul. Délaissant son petit café parisien et son flipper quotidien, son plaisir à ne rien brusquer et les plantes exotiques du jardin de la rue de l’Estrapade, l’attachant personnage, rattrapé par l’histoire, vient à Québec le temps d’un petit spectacle. L’homme, qui se défend bien d’être un authentique chanteur, a aussi sur le métier des opinions irremplaçables dont nous avons causé à quelques reprises. Rien ne presse. Nous trouverons bien un jour le moyen de vous les raconter. Une rencontre, une occasion, Pierre Barouh signera aussi des dédicaces et rencontrera les amis, le 15 à 14 heures dans un magasin de disques de la rue Cartier.
Le 14 novembre
A la Maison de la Chanson