C’était à l’automne 84. Avec Lachaîne, on était partis quelques mois en Europe. Vous savez, le genre de trip où l’on sait quand on part, mais on ne sait pas exactement quand on revient. Un week-end, on s’était retrouvés à Rennes, en Bretagne. Le soir même, on allait voir le spectacle d’un groupe qu’on ne connaissait ni l’un ni l’autre: Raoul Petite. L’après-midi, il ne faisait pas très beau. On s’est attablés dans un bistro, et on a pris quelques bières. Jusqu’à ce que celui qui se fait appeler Carton, et qui est le chanteur de Raoul Petite, fasse son entrée…
«C’est drôle, parce que moi aussi je me souviens bien de cette journée, dit Carton (Christian Picard, de son vrai nom). C’était la première fois que l’on jouait à Rennes, et lorsque j’arrive dans une ville que je ne connais pas, je vais toujours prendre quelques verres au bistro en face de l’endroit où l’on joue. Et celui-là, à Rennes, m’avait frappé. C’était fou, le nombre de gens complètement cuits dans cet endroit, à cette heure! Ça ne s’oublie pas.»
Comment expliquer Raoul Petite? A l’époque, en 84, il m’avait fait penser à une version rock de Montréal Transport Limité, groupe d’abord et avant tout musical, mais qui assaisonnait sa musique de petits sketchs, souvent drôles, qui faisait autre chose que simplement aligner les chansons les unes derrières les autres. L’organisation de Coup de cour a eu le même réflexe, puisqu’avec Raoul Petite, on pourra entendre La Fanfare Pourpour, avec des rescapés de MTL, du Pouet-Pouet Band, de l’Enfantfare, etc.
Depuis 84, chez Raoul Petite, suite à de nombreux changements de musiciens, les choses ont tout de même évolué. Leur plus récent compact, intitulé Rire c’est pas sérieux, est enregistré pour le compte d’une multinationale (Universal), mais il est aussi plus léché, mieux enregistré, plus produit, et, simultanément, plus rock, plus heavy, moins léger qu’auparavant. On est loin de la célèbre Des panneaux, des travaux de l’époque…
Habitué à rigoler, notre ami Carton est plus difficile à faire parler qu’on pourrait le supposer. Bien sûr, il est très excité à l’idée de venir chanter à Montréal pour la première fois en vingt ans de carrière avec Raoul Petite. Ça, on l’a su, et plus d’une fois. Mais, lorsque je lui demande si l’humour est pour lui une limite ou un défi, il reste bouche bée. «Oh, là, ça devient très sérieux tout à coup… Tu peux répéter ta question?»
Bien sûr. Est-ce que l’humour te limite ou est-ce un défi pour toi de mettre un peu d’humour même dans des sujets qui ne sont pas vraiment drôles? «Euh…»
Il ne savait pas quoi répondre, Carton. Mais, dans le fond, ce n’est peut-être pas de sa faute. C’est sûrement de la mienne. Parce que Raoul Petite, il ne faut pas prendre ça au sérieux. Il faut être prêt à tout avec ce groupe. mais surtout à une chose: rire. Parce que le rire, c’est pas sérieux…
Les 13 et 14 novembre
Au Lion d’or