

WD-40 : Lubrifiant abrasif
Parazelli Éric
Vous vous dites sûrement: «Bon, le v’là encore qui s’extasie sur WD-40…» Mais vous savez pourquoi j’insiste à ce point sur WD-40? Pourquoi je prends le risque de passer pour quelqu’un qui prêche dans le désert (musical)? Parce que lorsque j’ai envie de me défouler, chez moi, je me passe leur album Crampe en masse le volume dans le prélart! Parce que lorsque je vais à leurs spectacles (et je n’en ai pas manqué beaucoup), c’est la défonce assurée, une véritable séance de défoulement… Parce que la chanson On the Road Again dans l’auto, avec ma blonde, y a rien de plus jouissif! Autant de raisons qui font que si ça marche pour moi, il y a de fortes chances pour que ça marche pour vous.
Alex Jones Carrier (voix et basse), son frère Jean-Loup Lebrun (guitare) et Julien Livernois (batterie) ont fabriqué une mixture country-punk garage francophone, aux accents saguenéens, qui génère, presque à coup sûr, une envie soudaine de visiter l’enfer. «C’est normal, le rock, c’est la musique du diable! s’exclame Alex avec la verve et le panache qu’on lui connaît. Non mais c’est vrai, l’archétype du rock, c’est le diable qui vient te prendre… C’est une musique de party et de défoulement. Le rock, c’est l’ancêtre du rave en quelque part…, ajoute-t-il, le sourire en coin. C’est le démon en personne pour les parents. J’ai toujours été fasciné par le bien et le mal, les anges de l’enfer, les chauves-souris… Mais ce qui est intéressant, c’est quand on se rend compte que le mal, il est en nous. Quand je chante que "le yable me pogne", c’est exactement ça: tu te retrouves à cinq heures du matin, t’as trop bu, t’as fait des affaires terribles comme… manger du McDo! Dans ce temps-là, moi je dis que c’est pas de ma faute, c’est celle du yable! D’ailleurs, il m’aide aussi dans l’écriture de mes chansons…»
Parlons-en d’écriture. L’univers de WD-40, c’est le quotidien dans son ennui le plus profond, celui qui nous oblige à le fuir de toutes les façons: illicites ou romantiques. Mais un quotidien sublimé par le regard du chevalier Jones, celui que l’on traite à tort de vulgaire, et qui se donne les titres de Bête du Lac, de Zombie, et qui dit que "le monde entier lui tombe sur les nerfs". «Je suis un peu tanné de l’étiquette "vulgaire"… s’offusque Alex. Musicaction m’a refusé trois subventions à cause de ça… Je l’sais pu quoi faire! J’en suis rendu à me dire qu’il y a des tounes que je n’aurais jamais dû enregistrer… Y en aura pas de petites culottes, Elle avait les boules basses… Si c’est tout ce que les gens retiennent, ça ne m’intéresse plus! Moi, quand j’écris, c’est très spontané, ça me vient comme ça… comme Normand L’Amour en fait… Non, mais ces temps-ci j’suis pas de bonne humeur, alors ça donne des textes plus sombres, plus songés.»
Si l’énergie de WD-40 est résolument punk-rock, la naïveté du country vient, elle, régulièrement oxygéner le tout. Deux genres qui se côtoient beaucoup plus harmonieusement qu’on pourrait le penser au premier abord, selon Alex: «Le country, c’est du blues de Blanc; c’est une musique d’ennui, de campagne, d’amours déchues… Et le rock ou le punk, c’est plus urbain, plus rapide, mais tu peux aussi te sentir comme un cow-boy dans la ville. Pour toi, la prairie, ça peut être la rue Ontario… Le déclic sur le country s’est vraiment fait en regardant le film Requiem pour un beau sans-cour de Robert Morin. C’est là que j’ai découvert Marcel Martel (le père de Renée), l’un des plus grands chanteurs country de tous les temps. Depuis ce temps-là, on l’écoute religieusement dans le truck. On ne peut plus s’en passer… D’ailleurs je projette sérieusement de lui faire un album-hommage.»
Et le fait de jouer avec son frère, ça complique les choses ou ça les facilite? «Même si on s’envoye chier une fois de temps en temps, on ne se chicane à peu près jamais; qu’est-ce que tu veux, on fait de la musique ensemble, on travaille ensemble, on est toujours ensemble… Sauf qu’on pourrait pas vivre l’un sans l’autre, c’est définitif. Mais on est ben tannés de travailler dans les enseignes pour gagner notre vie… on est pu capables!»
«Je parle de ce que je vis et de ce que je vois, conclut Alex, et souvent ça va rejoindre les gens. L’autre jour, après un show, y a un gars de Val-d’or qui est venu me voir pour me dire que quand je chante "Icitte y a pas grand-chose à faire, pis l’faire à jeun, c’est platte en calvaire", y se reconnaissait vraiment là-dedans… Ce genre de contact-là avec le public, quand il y a une compréhension mutuelle, c’est ça, ma motivation principale.»
Le 14 novembre
En première partie de Groovy Aardvark
Au cégep Maisonneuve