Musique

Je me souviens : La cuvée des patriotes

En regard du peu de compilations sérieuses consacrées à la chanson québécoise, les amateurs accueilleront assurément cette initiative avec joie. Elle pourrait faire figure de première. Comment résumer le Québec en cinquante chansons?

En prenant pour prétexte de cette parution la célébration du drapeau, les producteurs de GSI ont subtilement contourné le problème. Au regard de cette thématique, la sélection de cinquante chansons qui se retrouvent sur ces trois DC reste essentiellement justifiable. Faisons dans le détail: l’ouvrage débute et se termine sur deux chansons de Vigneault: Les Gens de mon pays et Il me reste un pays (évidemment). On verra dans ce choix l’empreinte de Robert Therrien, grand amateur du poète, qui a collaboré à cette compilation. Entre ces deux titres et une antiquité de circonstance, Le Drapeau de Carillon, la sélection court sur quarante ans de chanson: Bozo, La Manic, Le ciel se marie avec la mer, Le Blues d’la métropole, Je reviens chez nous, Le Labrador, Le Train du Nord, que de choix judicieux… Surtout quand on sait qu’il a fallu négocier tout cela avec les auteurs et les étiquettes concernées.

Mais, édité en période électorale, avec la bénédiction de la Société nationale des Québécois, Je me souviens pourrait aussi devenir objet de controverse.

Dans un joli livret de soixante pages, chacune de ces chansons est accompagnée de quelques notes explicatives et c’est dans ces commentaires que le bât blesse terriblement. Certes, l’appartenance et le devenir de la société québécoise sont depuis quarante ans l’une des thématiques majeures de la chanson, mais devant leurs propos, on pourrait soupçonner quelque parti pris excessif.

Vincent Grégoire et Gabriel Landry, neveux de Gilles Vigneault, ont rédigé une argumentation éditoriale, pour près de la moitié de ces chansons, qui frise l’endoctrinement. Ainsi, Un peu plus loin serait, selon les auteurs, «une chanson aux dimensions insoupçonnées», Je voudrais voir la mer est «un hymne à la nécessité d’aller jusqu’au bout»(sic), Le Vieux du Bas du fleuve: «un hymne à la terre sacrée», Aux portes du matin «peut être entendue comme une métaphore du pays à bâtir», nous apprend-on. «Pour réaliser nos rêves ne faut-il pas nous réveiller?», écrit-on à propos du Qu’est-ce qu’on a fait de nos rêves. Mieux, Le Blues d’la métropole est commenté de la façon suivante: «Nous étions à la veille d’un important vote. Entre deux mots choisir le…»

On ne manquera pas, par ailleurs, de souligner à gros traits que La Tête en gigue a été écrite par un \«anglophone de naissance qui s’est tourné vers le français… C’est une belle langue pour notre plus grand bonheur», ajoute-t-on. «Pas besoin de parler de politique pour contribuer au rayonnement du Québec», estiment les auteurs, lorsqu’ils n’arrivent pas à trouver quelque contenu politique à Le Ciel se marie avec la mer et Comme j’ai toujours envie d’aimer. «Ces chansons contribuent au rayonnement du Québec», répètent-ils pour justifier cette dernière kétainerie… L’expression est tirée tout droit d’un discours de Lucien Bouchard.

Serait-il surprenant que, sous le présent gouvernement, ce coffret serve de carte de visite aux ambassades du Québec, comme on l’annonce?

Bien sûr, on peut aussi voir les choses d’une autre manière et se dire, en bon consommateur, qu’il s’agit d’un autre de ces cadeaux «idéals pour Noël».

Je me souviens
Artistes variés
(GSI)