Kiss : Langue dans le vinaigre
Musique

Kiss : Langue dans le vinaigre

Je dois l’avouer, je n’ai jamais été fan de KISS. Je ne me suis jamais maquillé aux couleurs de mon membre préféré, je n’ai jamais fait exploser de pétards lors d’un spectacle amateur et je n’ai jamais souhaité subir une chirurgie d’étirement de la langue. En troisième année, je crois m’être procuré une copie d’Alive, pour faire comme tout le monde; mais, aujourd’hui, je ne sais même pas si je pourrais vous chanter le refrain de Rock’n’roll All Nite, même si ma vie en dépendait. C’est donc par pure curiosité que je me suis pointé au Centre Molson il y a deux ans, alors que KISS reprenait du service pour la première de ce qui risque d’être une longue série de tournées «réunion» (Maquillage! Costumes! Effets pyrotechniques!). J’aurais voulu, à ce moment précis, partager l’hystérie collective qui s’était emparée du Centre Molson, mais je me sentais aussi à l’aise qu’un fermier de l’Iowa devant une pièce de théâtre nô.
C’est aussi par pure curiosité que j’ai accepté de parler à Paul Stanley, l’un des deux membres fondateurs (avec Gene Simmons) du légendaire quartette de New York, histoire de lui poser la grande question: Comment peut-on aimer KISS en 1998, si l’on n’a pas été fan durant son adolescence? «Tu sais, les gens passent souvent à côté de l’essentiel et ils boudent leur plaisir. Peut-être fais-tu partie de ces gens qui ont passé leur vie à vouloir manger du steak et qui ont fini par oublier qu’un bon hamburger est souvent plus satisfaisant.» Est-ce à dire, Mister Stanley, que vous êtes à la musique ce que le junk food est à la gastronomie? «Tout ce que je dis, c’est que nous faisons de l’entertainment pour les masses; nos chansons s’adressent à l’homme de la rue et, pour nous, seule son opinion compte. A qui ferais-tu le plus confiance: à quelqu’un qui reçoit des billets gratuits toute l’année, ou à quelqu’un qui trime dur toute la semaine pour se payer un show extraordinaire? La réponse est assez claire, non?»

Chose certaine, ce n’est certainement pas Psycho Circus, leur plus récente galette (et le premier album enregistré par les quatre membres originaux depuis des siècles), qui va m’aider à rejoindre les rangs de la KISS Army. Grossièrement autoréférentielles, tant au point de vue musical que dans les textes, ces nouvelles chansons permettent au groupe de célébrer son propre mythe (I Pledge Allegiance to the State of Rock & Roll, You Wanted the Best, You Got the Best, etc.). «Il n’y a pas de mal à prêcher pour sa paroisse, surtout lorsqu’on se contente d’énoncer de grandes vérités, lance Stanley, dans un accès de modestie. Lorsque Muhammad Ali disait "I’m the greatest", il avait des preuves! Si nous avons vendu 70 millions d’albums, c’est parce que les fans se retrouvent dans nos chansons; et ces chansons, elles ne parlent pas que de nous, elles sont autant d’hommages à nos fans. Nous sommes la voix de notre public: nos victoires sont leurs victoires, et c’est ce que nous célébrons dans notre musique.»

Et le public, d’après Stanley, risque d’en avoir pour son argent dans cette nouvelle tournée grand-guignolesque. «Les gens sont assoiffés d’entertainment; ils n’acceptent plus de voir des rockers millionnaires qui se traînent sur scène en pantalons déchirés, comme s’ils venaient de sortir du lit. Lorsque tu viens à un concert de KISS, tu peux voir où va ton argent. Ça t’aveugle, ça t’assourdit, ça vient te remuer à l’intérieur. Cette tournée est l’une des plus grosses qu’on ait jamais faites: il y a un écran de 20 pieds sur 40 sur lequel on projette des images 3D du groupe. On est tellement près de vous que c’en est presque illégal!» Je suis prêt à tenter l’expérience à nouveau; peut-être comprendrai-je enfin lorsque la langue virtuelle de Gene Simmons viendra me lécher la face.

Le 1er décembre
Au Centre Molson