Kate et Anna McGarrigle : Un air de famille
Musique

Kate et Anna McGarrigle : Un air de famille

Le temps des Fêtes est propice aux réunions familiales et les McGarrigle, véritable clan musical, nous le prouveront sur scène, dans l’esprit du disque The McGarrigle Hour, sorti en octobre dernier.

Kate et Anna McGarrigle ont toujours fait les choses en famille, mais sur leur plus récent disque, elles se sont surpassées, entraînant progéniture, conjoints (même les ex) et amis dans un projet musical sans précédent. The McGarrigle Hour est un véritable bijou d’harmonies familiales qui a des airs de Brady Bunch de la musique folk. Un disque qui rappelle une veillée en famille, où chacun aurait apporté à la table ses chansons préférées.

Le rendez-vous était donné à l’appartement de Kate, mais c’est Anna qui répond à la porte et nous dirige vers le salon, où trône un superbe piano à queue. «C’est à Rufus, mais il ne voulait pas qu’on le monte chez lui avec une grue, alors il reste là», explique Kate, maman du jeune et talentueux Wainwright, qui traverse actuellement l’Amérique pour promouvoir son premier album. Lorsqu’il est de passage à Montréal, Rufus habite le deuxième; Kate demeure à l’étage et sa fille Martha, qu’on a pu voir sur scène en compagnie de son frère, occupe le rez-de-chaussée. Pour compléter cette partie de la famille, il faut ajouter le père de Rufus et Martha, Loudon Wainwright III, séparé de Kate depuis des lustres mais revenu au bercail le temps de participer à The McGarrigle Hour. Anna, quant à elle, habite un petit village ontarien tout près de la frontière du Québec. Pour l’enregistrement du disque, elle a emmené son mari, Dane Lanken, ainsi que ses enfants, Sylvan et Lily. Il ne manquait que les vieux amis de la famille musicale et quelques invités de prestige, comme Emmylou Harris et Linda Ronstadt, pour compléter le tout.

De la maison d’Outremont où a lieu l’entrevue, la conversation passe à une autre demeure familiale, la maison natale des deux sours à Saint-Sauveur-des-Monts, lieu central de la mythologie McGarrigle. «On y allait chaque fin de semaine, et c’est là qu’était le piano, un vieux Steinway droit qui date de 1883», explique Kate. «Lorsqu’on est assis devant, on peut voir par la fenêtre et c’est un endroit formidable pour écrire des chansons. J’ai écrit Heart Like a Wheel sur ce piano et on a enregistré des parties de Heartbeats Accelerating là-bas, poursuit Anna. Ma mère venait d’une nombreuse famille, et il y avait souvent des partys où tout le monde chantait.» Les deux femmes parlent avec la complicité et la complémentarité qu’on retrouve habituellement chez les jumelles. Kate fait minutieusement disparaître d’imaginaires poussières de sur la table en scrutant sa mémoire, à la recherche du nom d’un obscur joueur d’harmonica de Saint-Sauveur, et c’est Anna qui finit ses phrases avec diligence.

N’eût été de quelques considérations techniques, c’est dans la maison de Saint-Sauveur qu’aurait été enregistré The McGarrigle Hour, histoire de conserver cette atmosphère de veillée familiale. A défaut d’y travailler, les sours ont tenté de garder la même spontanéité, avec l’aide du célèbre réalisateur Joe Boyd, «On avait trois chansons de choisies en entrant en studio, mais chacun avait apporté une pièce qu’il voulait interpréter», explique Anna. «Joe dirigeait le trafic; il disait: "Bon, on a assez entendu un tel et une telle, j’aimerais bien entendre les autres maintenant." S’il y a vingt et une chansons sur le disque, c’est parce qu’il n’arrêtait pas de nous faire travailler les uns après les autres. Avec plus de temps, il y aurait eu plus de chansons.»

Et des chansons, il y en avait. Emmylou Harris, qui tenait absolument à chanter en français, avait apporté La Porte en arrière, un morceau du Cajun D.L. Ménard auquel les sours viennent ajouter une petite touche québécoise; Loudon Wainwright a déterré l’une de ses premières chansons, la très jolie Schooldays; Martha s’est attaquée à Cole Porter avec Allez-vous-en, et la liste continue. L’un des plus beaux moments du disque est aussi l’un des plus près de l’esprit familial: Rufus, Martha, Loudon et Kate chantent ensemble pour la première fois sur What’ll I Do d’Irving Berlin. «C’est Rufus qui voulait absolument faire cette chanson, parce qu’il n’avait jamais chanté avec son père, explique Kate. De plus, c’est une chanson très importante pour lui parce qu’il l’avait déjà chantée aux funérailles de sa grand-mère, accompagné par Jane à l’orgue.» Un disque aussi intime aurait pu paraître hermétique, et pourtant, il n’en est rien. En fait, le projet est si intéressant qu’il a attiré l’attention de la maison de production télévisuelle Amérimage, qui a réalisé une version filmée de l’album qui sera diffusée à Global le 30 décembre. En attendant, le public de Montréal a le privilège d’être invité à un vrai party de famille, en compagnie de Rufus, Martha, Kate et Anna.

Les 20 et 21 décembre
Au Cabaret