

Les Batinses : Patrimoine vibrant
François Tremblay
Photo : Léo Daniel Lambert
Formé à Québec il y a quelques années, le groupe Les Batinses vient de faire une entrée fracassante dans le monde de la musique traditionnelle. A la veille de sa prochaine série de concerts, nous avons fait le point avec deux membres de la formation.
Il est fort possible que les musicologues du futur considèrent cette fin de siècle comme celle du métissage. En effet, rares sont les groupes qui se contentent de ne peindre qu’une seule forme musicale. On mélange, on bidouille, on modifie, on amalgame textures et sonorités en des mélanges tout à la fois probants et improbables.
Les Batinses illustrent bien le phénomène. Le sextuor ne se contente pas de ressusciter des chansons du patrimoine, il les habille de façon résolument moderne, leur insufflant selon l’inspiration, des effluves jazz, rock et de musiques du monde. Mathieu Girard, l’un des trois pinceurs de cordes du groupe, avance l’explication suivante: «Le folklore au Québec, s’est peu à peu marginalisé depuis la Seconde Guerre mondiale et, sans qu’on se le dise ouvertement, nous nous sommes investis d’une mission: celle d’innover. Ce n’est pas évident, mais on essaie de rester à l’écoute de ce qui se passe autour de nous et puis on a tous des influences diverses, les musiques du monde, par exemple.»
C’est ainsi que Todd Picard, second pinceur de cordes, m’apprendra qu’entre dix-huit et dix-neuf ans, il ne carburait qu’au thrash et au hardcore. Ce qui nous amène à poser la question suivante: qu’est-ce qui pousse des jeunes musiciens à choisir le folklore comme base d’opération plutôt que le rock ou le ragtime? Une partie de la réponse vient du fait que trois des membres, Todd, François Morissette (troisième pinceur de cordes) et Yvon Legendre (voix, violon et accordéon) sont ethnologues de formation. Le noyau du groupe, augmenté l’année dernière du multi-percussionniste Fred Lebrasseur et de la violoniste Andrée Bilodeau, était donc déjà vendu à la cause.
«Il y a aussi une part de hasard, ajoute Todd. Après ma période thrash, j’ai découvert des groupes qui ressemblaient à ce que ma mère écoutait, comme les Clancy Brothers et les Irish Rovers, et ça m’a plu. Plus tard, je suis parti un an au Labrador avec une mandoline. Là, j’ai joué avec de vieux monsieurs sympathiques et j’ai appris plein de trucs.» «J’ai fait le même cheminement que Todd, ajoutera Mathieu», évoquant un voyage en Europe muni du même instrument.
L’année qui s’achève aura été une étape marquante dans la carrière des Batinses puisqu’elle aura vu Charivari, leur premier disque aut0-produit, repêché par les Productions Mille-pattes. L’album jouit depuis d’une distribution provinciale. En attendant, le groupe nous propose une seconde série de concerts toute pleine de nouveaux titres, mise en scène par le comédien-chanteur Pierre Potvin (Bori). Tout ça, juste avant de finir l’année avec La Bottine souriante à Montréal. Parlant de La Bottine, envisagent-ils un périple aussi fructueux, doublé d’une longévité similaire? «Le folklore est intéressant parce qu’il dépasse les frontières de la francophonie. Si on faisait de la pop, ça ne passerait pas aussi bien ailleurs; chez les amateurs de musique traditionnelle, il n’existe pas de barrières linguistiques.»
Les 18 et 19 décembre
A la Salle Multi