Musique

Prise de son : Le tour du monde

Le nom de Jacques Erwan ne vous dit certainement pas grand-chose. Pourtant, en tant que directeur artistique du Théâtre de la Ville à Paris, il est fort probablement un des plus grands spécialistes de l’imposante scène des musiques du monde. S’il est connaisseur, il est aussi extrêmement difficile. Lhasa, par exemple, ne l’a pas fait chavirer outre mesure. Par contre, lors de son récent passage à Montréal, il a pu observer Lilison en spectacle, et il a plutôt aimé, malgré certaines réserves, probablement dues en grande partie au fait qu’il s’agissait d’un showcase de présentation aux médias.

Ce passionné des musiques traditionnelles mondiales ne pouvait cependant pas en rester là. Il fallait laisser une trace. C’est pourquoi, entre 94 et 96, avec l’ingénieur de son Xavier Yerlès, il a enregistré huit disques de musique traditionnelle d’un peu partout dans le monde (Madagascar, Portugal, Québec, Écosse, Açores, Bali, Mexique et Maroc) pour le compte de la maison Auvidis.

Depuis deux ans, changement d’étiquette. Erwan et Yeltès fondent Échos, une nouvelle collection, pour l’étiquette Buda Musique en France, importée ici par Archambault Musique. Échos, c’est déjà quatre parutions: Les Orcades (archipel au nord de l’Écosse), Bali, Fès au Maroc, et le Chili.

Cependant, il me faut déjà vous donner un sérieux avertissement: ces disques ne sont pas grand public. Ce n’est pas du world-beat. Il s’agit de captation de musique traditionnelle de ces différents pays, sans retouche en studio, sans rien ajouter ni enlever. Les musiques sont là, au naturel. «C’est le parti pris que nous avons, avoue Erwan. Et nous allons même plus loin dans la création d’atmosphères. Par exemple, à Bali, nous sommes allés dans un atelier de fabrication de gamelans, un des instruments traditionnels de ce pays, pour enregistrer le bruit des marteaux sur le métal, par exemple.»

Cela dit, Erwan n’exagère pas non plus de l’autre côté en intellectualisant à outrance ces disques: «Je ne suis pas ethnomusicologue. Je ne veux surtout pas faire un travail scientifique. Lorsque je pars pour enregistrer ces disques, je fais un travail qui est celui du journaliste. Je discute avec les principaux intervenants, je tente de comprendre quand, comment, pourquoi et par qui cette musique est jouée. Avec Xavier, lorsque nous enregistrons un disque, nous partons pendant un mois, sans trop savoir à l’avance ce que nous allons faire. Nous travaillons beaucoup sur place, pour faire les contacts et nous laisser impressionner par l’endroit et les gens que nous rencontrons.»

Un des objectifs avoués d’Erwan est de nous faire voyager par les oreilles. Fermez les yeux, écoutez, par exemple, l’album enregistré au Maroc, et vous y êtes presque. Sur ce plan, je dois quand même l’avouer, c’est assez réussi. La seule chose regrettable, c’est que si vous gardez les yeux fermés, vous allez manquer le livret qui accompagne le disque. Un livret, là aussi, conçu comme un petit guide de voyage qui ne vous donne jamais une adresse d’hôtel, mais qui vous décrit le pays, avec un bout d’histoire, son climat, ses habitudes, etc.

«Celui du Maroc est assez particulier pour moi parce qu’on a pu enregistrer – chose extrêmement rare – dans un hammam, dit Erwan, avec un fier sourire. On l’a fait avec beaucoup de précaution, et nous étions à la merci des clients de l’endroit. Si un seul d’entre eux n’avait pas voulu, nous n’aurions pas pu enregistrer quoi que ce soit. C’est un peu notre credo de faire les choses avec un maximum de respect.»Dans ce cas-ci, ça s’entend comme rarement…

Samedi dernier, histoire de célébrer la parution de la compilation Inhale fig. 2, sur son label Indica, GrimSkunk a rempli à pleine capacité (encore une fois…) le Métropolis. + ce point, ce n’est même plus étonnant. C’est devenu une habitude. Les seuls surpris de cette situation devraient être ceux qui ne les ont jamais vus.

Le show de samedi dernier fut l’un de leurs meilleurs. La machine GrimSkunk est hyper bien huilée de tous les côtés: le message passe comme une tonne de briques; Alain VdeBC, le batteur, est probablement le meilleur musicien de toute la bande (et il chante en plus!); Franz développe son charisme; Boris milite pour le Bloc Pot sans faire le têteux; Peter est toujours aussi discret mais efficace; tandis que Joe Evil, à l’arrière de son clavier, semble maîtriser totalement la situation. Un groupe, un vrai, soudé, qui n’a pas de véritable leader consensuel, qui constitue une réelle entité.

Le show de samedi était étonnant dans son pacing: dès le départ, GrimSkunk a enfilé les hits: Looking for Gabbio, Silverhead, Gros Tas (d’marde), La Vache, Le gouvernement songe, etc. Puis, lorsqu’il est entré dans sa phase plus progressive, le groupe a réussi l’inimaginable: ne jamais perdre ni énergie ni l’intérêt des deux mille spectateurs présents. Chapeau!