

Fanfare Pourpour : Les joyeux troubadours
Nicolas Tittley
Photo : Pierre Crépô
«On est un groupe d’amis avant tout, et nous aimons faire de la musique.» La formule, émise par Luc Proulx, homme de théâtre bien connu mais également guitariste à ses heures, est aussi simple que définitive, et rien ne pourrait mieux décrire l’essence de la Fanfare Pourpour. Posez la question à n’importe lequel de ses membres, que ce soit le directeur musical Bernard Poirier, l’accordéoniste Lou Babin, le percussionniste Benoît Fauteux, on n’importe lequel des onze musiciens que compte l’ensemble, et vous obtiendrez sans doute la même réponse. C’est l’amitié qui a réuni cette bande de joyeux troubadours multidisciplinaires il y a plus de vingt-cinq ans, sous le nom de L’Enfant fort. À l’époque, il s’agissait d’une véritable fanfare populaire, qui se produisait à l’improviste dans les rues du Plateau Mont-Royal. Puis, quelques membres ont formé le Pouet Pouet Band, dans le but avoué de faire plus de scène, objectif fortifié par la création de Montréal Transport Limité, collectif quasi légendaire des années 80. Depuis trois ans, le groupe existe sous le nom de Fanfare Pourpour, dont le premier album, Tout le monde, sera lancé cette semaine au Lion d’or.
«Ce n’est pas un orchestre qui a été pensé en termes d’instrumentistes, par un individu qui aurait soigneusement choisi chacun des musiciens, explique Luc Proulx. C’est arrivé par hasard: chacun d’entre nous savait jouer d’un instrument, alors on a composé pour ce genre d’orchestrations. On avait des clarinettes, une trompette, une caisse claire, une guitare: on a joué avec ça.» Cet esprit collégial, véritable ciment qui unit tous les membres de la Fanfare, est d’autant plus évident lorsqu’on se rend au studio du groupe. L’endroit est aménagé dans l’ancien entrepôt frigorifique (d’où le nom, charmant, de studio Free Go) situé dans la cour du logement dont le couple formé par Luc Proulx et Lou Babin habite le rez-de-chaussée, et Bernard Poirier, l’étage. «C’était l’endroit idéal pour enregistrer, lance ce dernier. Comme les membres du groupe ne sont pas tous des musiciens professionnels, certains d’entre nous doivent répéter un peu plus que d’autres et dans un studio à plus de 100 $ de l’heure, les trente sous disparaissent vite! Ici, on était libres de recommencer autant de fois qu’on le voulait.»
Pour ses membres, la Fanfare est une passion plutôt qu’un gagne-pain. Ils gagnent tous leur vie ailleurs: qui au théâtre, qui dans une boîte de graphisme, qui en informatique, qui dans la danse. Et, bien qu’ils entretiennent des liens étroits avec le milieu de la musique actuelle (leurs amis René Lussier, Normand Guilbeault et Jean Derome contribuent à l’album), leurs compositions demeurent très accessibles. Fortement teintée de musiques tzigane et klezmer, avec des références allant de Nino Rota à Kurt Weill, la Fanfare fait du folklore moderne et ouvert. «Si on se lançait dans des trucs trop compliqués, on serait tous tendus et on perdrait le plaisir de jouer. Tout ce qu’on veut faire, c’est essayer de rendre belles les choses simples», explique Bernard. De plus, cette Fanfare pas comme les autres préfère le mode mineur au majeur traditionnel de ce genre d’ensembles, ce qui explique son côté mélancolique. «Un jour, une vieille dame nous a dit que notre musique était triste et gaie à la fois, se souvient Luc. C’est assez simple comme définition, mais c’est très juste.» Pour l’instant, cette joyeuse bande se concentre sur la musique, mais lorsqu’on connaît les multiples talents de ses membres, on peut imaginer la direction que prendra la Fanfare dans les années à venir. «On va toujours garder le côté spontané de nos débuts, mais on caresse aussi des projets de plus grande envergure, en y intégrant la poésie et le théâtre», lance Bernard Poirier. Pas étonnant qu’ils soient devenus des piliers des Cabarets de la Pleine Lune, soirées de délire collectif organisées par l’imprévisible François Gourd, où l’on pourra les apercevoir le 30 avril prochain. En attendant, la Fanfare donnera un spectacle de lancement qui, tradition oblige, sera absolument gratuit.
Le 26 avril, 18 h
Au Lion d’or
Voir calendrier Jazz, blues, etc.