L'Ensemble Romulo Larrea : Le cour à l'ouvrage
Musique

L’Ensemble Romulo Larrea : Le cour à l’ouvrage

Cette semaine, à la Cinquième salle de la Place des Arts, l’Ensemble Romulo Larrea et la chanteuse Véronica Larc présentent leur premier concert depuis la sortie, en novembre dernier, du magnifique album double Hommage à Astor Piazzolla. En ce qui me concerne, ils sont mieux d’exécuter le disque intégralement avant que je pense à quitter mon siège pour aller où que ce soit…

Fondé en 1990, cet ensemble est en train de s’imposer comme une référence mondiale en matière de tango. Le genre d’entreprise dont le Québec aurait toutes les raisons d’être fier. Pourquoi? Il y a le charisme de son chef, sa volonté de fer, son talent de bandonéoniste et sa proverbiale gentillesse. Il y a le talent individuel de chacun des musiciens, du plus ancien (l’impressionnant Paul Klopstock au piano) au plus jeune (le violoncelliste Benoît Loiselle, un talent en pleine éclosion). Mais tout le reste de l’ensemble est à féliciter: les Pilon, Lefebvre, Paquin et Chabot pour leur cohésion, pour leur «cour à l’ouvrage», comme on dit; pour la manière surtout dont ces instrumentistes bien d’ici ont pénétré l’âme sud-américaine de cette musique éternelle. Et puis, il y a la chanteuse Véronica Larc, fille du maestro, également guitariste (on peut l’entendre dans Bordel et Café), qui d’ailleurs ne jouera pas de guitare ces deux soirs, trop concentrée sur ses huit chansons dans ce show qui couvre quarante années de la carrière du maître.

Piazzolla n’a pas inventé le tango, mais il en a écrit les plus belles pages. Et puis, il a eu la brillante idée de donner le feu vert à un certain Larrea pour qu’il fonde un septuor. Dix ans après son arrivée à Montréal, cet immigrant uruguayen rescapé de Quartango et de sa profession d’imprimeur avait entendu en rêve le trio de base traditionnel des danseurs de tango (piano, contrebasse et bandonéon germanique) marié à un quatuor à cordes classique (un violoncelle, un alto et deux violons). Une musique à la fois classique et contemporaine qui pouvait ravir les mélomanes sans perdre son essence populaire, son parfum de bordel, et cette sensualité sublimée, cette espèce de mélancolique dignité, ce pouvoir de séduction, et ce caractère humain qui la rendraient complètement universelle.

Quant à Véronica Larc, elle ne sera plus jamais la même. Lors de son dernier passage à Buenos Aires, elle a dû accepter l’épouvantable honneur de chanter Chiquilin de Bachin devant huit cents spectateurs avertis, mais surtout en présence d’Horacio Ferrer, auteur du texte et président de l’Académie nationale du tango d’Argentine, accoudé au piano. Le genre d’expérience qui vous fait découvrir ce qu’est le trac.

À propos, un dernier détail: le répertoire des deux concerts comprend des ballades chantées en espagnol, mais aussi des textes signés David McNeil et Maxime LeForestier. Pour le reste, pas besoin de sous-titres ni de traduction. Parce que la magie du tango, quoi qu’on dise, c’est d’abord l’émotion.

Les 22 et 23 avril
À la Cinquième salle de la Place-des-Arts
Voir calendrier Jazz, Blues,etc.