John McLaughlin : La route des Indes
Musique

John McLaughlin : La route des Indes

Lorsque je l’ai joint à son domicile, il était 21 h, heure de Monaco. John McLaughlin et sa femme venaient de terminer leur souper. J’ignore si c’est grâce au rosé de Bandol qu’il finissait de boire, mais les quarante minutes que nous avons passées ensemble furent de ces moments magiques où le temps est suspendu et où plus rien ne compte.

Une conversation fertile en confidences, qui a permis au gentleman virtuose, dans toute son humilité et sa sagesse, de vraiment bavarder. Il ne me connaît pas mais m’appelle par mon prénom; bref, ça se sent, il a vraiment le goût de jaser. Le plus drôle dans tout ça, c’est que mes questions avaient bien peu d’importance, moi qui n’ai jamais autant préparé une entrevue, puisque le Britannique a initié tout le dialogue.

Avant de laisser John McLaughlin parler de Shakti, son actuel projet avec des musiciens de l’Inde, qu’il relance vingt-cinq ans après sa génèse, revoyons, en abrégé, le périple incroyable de Sir John. Guitariste autodidacte, il travaille avec des groupes rock à Londres au début des années soixante, notamment avec les organistes Brian Auger et Georgie Fame, le bluesman Alexis Korner (auquel Robert Plant se joignit quelques années plus tard); puis, il forme Extrapolation, en 1968, avec le saxophoniste John Surman. En 1969, il rejoint le batteur Tony Williams aux États-Unis, et enregistre deux albums, puis participe à un jam session avec Jimi Hendrix, Buddy Miles et Dave Holland. Finalement, il se mêle à Wayne Shorter et Miles Davis, dans ce qu’il est convenu d’appeler la période électrique du trompettiste. Quatre albums auxquels McLaughlin participe marquent cette époque: Bitches Brew, In a Silent Way, A Tribute to Jack Johnson, et Live-Evil. En 1970, il devient disciple du gourou Sri Chinmoy Kumar Gose, et prend le nom de Mahavishnu. Plus tard, il joue avec le violoniste L. Shankar, le percussionniste Zakir Hussein (qui est de retour avec l’actuelle formation), puis organise une nouvelle formule du Mahavishnu avec notamment Jean-Luc Ponty. Il enregistre Love Devotion Surrender avec Carlos Santana, retrouve L. Shankar en 1978, revient à la guitare acoustique, s’associe à Chick Corea, Billy Cobham, Jack Bruce, la pianiste classique Katia Labeque, Larry Coryell, etc.

En 1982, il enregistre pour la postérité le fameux Friday Night In San Francisco avec Al DiMeola et Paco De Lucia. Trois guitaristes unissent leur folie et leur art, à la demande générale, sur une suite intitulée Fire, Passion and Grace.

Il renoue ponctuellement avec Miles, particulièrement en 1984, avec l’album You’re Under Arrest. On l’a vu dans Round Midnight, le très beau film de Bertrand Tavernier. En 1988, il travaille avec le percussionniste et joueur de tablas Trilok Gurtu; en 1993, avec le jeune organiste Joey De Francesco et le batteur Dennis Chambers; ensuite, rend un hommage au pianiste Bill Evans, fait un retour avec DiMeola et De Lucia, il y a trois ans, etc. En 1997, il reforme le collectif Shakti pour une série de concerts en Angleterre; et, de ces soirées, est tiré son plus récent disque. Shakti est composé de Zakir Hussein aux tablas, Hariprasad Chaurasia au banduri (genre de hautbois indien), T.H. Vikku Vinayakram au ghalam et Uma Metha au tanpura (petite sitar).

«En fait, on peut se demander pourquoi les choses arrivent comme ça, mais l’idée de jouer est venue de Zakir qui m’a appelé pour faire des spectacles pour l’Asian Music Society en Angleterre. Et pour lui, l’expérience ultime était de reformer Shakti. J’étais tout à fait d’accord. On se connaît quand même depuis 1969. Il fallait retouver le violoniste L. Shankar, et il était introuvable, perdu quelque part entre l’Afrique et l’Asie. Finalement, on a sorti le disque du concert dans son intégralité», d’expliquer McLaughlin.

Soit dit en passant, la première pièce avec les trois Indiens, mais sans le guitariste, dure trente-trois minutes et demie. Celle qui amorce le deuxième compact, Mukti, dure soixante-trois minutes…

«Le concert sera très différent du disque (il m’a mentionné deux musiciens, dont les noms m’échappent, qui remplaceront Chaurasia et Vikku). Toute la synergie est en fonction des instruments que composent le quatuor. La musique de l’Inde, j’en suis imprégné, tout comme de sa culture en général, c’est plus fort que moi. On peut dire que ça fait partie de mon éducation depuis l’âge de vingt-deux ans. Il y avait des émissions sur la BBC qui diffusaient leur musique, ça me fascinait, et je ne peux pas expliquer exactement pourquoi. J’y suis revenu après vingt-cinq ans, comment voulez-vous qu’on s’éloigne de ses amours! Le jazz, le flamenco et la musique indienne sont les trois fleuves de ma vie personnelle.»

Le 4 juillet à 20 h 30
À la Salle Wilfrid-Pelletier
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