Musique

Notre-Dame de Paris : Famille nombreuse

Le spectacle musical le plus acclamé, le plus vu et le plus médiatisé de l’automne à Paris arrive enfin à Québec, où il affiche déjà complet. Et si on n’avait pas encore tout dit là-dessus?

Depuis le temps qu’on vous casse les oreilles avec Notre-Dame de Paris, vous croyez déjà tout savoir, non? Eh bien, peut-être pas. Et je ne vous parle pas de projets, comme la création en anglais à Londres, fort probablement au cours de l’année qui vient. Ou de la présentation du spectacle, fait marquant, en français à Toronto.

Non. On vous parle de la création même de ce qui est devenu un véritable phénomène. «Luc Plamondon et Richard Cocciante ont inventé une drogue, résume Daniel Lavoie. Il existe en France de véritable accros de Notre-Dame de Paris, qui ont vu le show six, sept ou huit fois et qui possèdent cinq ou six copies de chacun des albums!»

La création de Notre-Dame de Paris, c’est la rencontre entre un parolier superstar, Luc Plamondon, et un compositeur sous-estimé, Richard Cocciante, le grand oublié médiatique de toute l’opération. «Au début, oui, dit Cocciante, joint à son bureau parisien. Maintenant que Luc a fait tout ce qui était possible de faire, les médias français d’abord, puis québécois, commencent à se tourner vers moi. L’équilibre est en train de se faire. Mais, c’est vrai, au début, ça m’a fait mal…»

Sans rien enlever au travail ni de l’un ni de l’autre, il reste qu’on savait que Plamondon avait le talent nécessaire pour faire une ouvre de cette envergure. Dans le cas de Cocciante, avouons – malgré tout – de sérieuses réserves. Pourtant, à l’écoute des deux albums de NDP déjà parus, on est étonné par la qualité générale des chansons, et, plus particulièrement, par les musiques de Cocciante. Ce dernier a réussi à rester grandiose sans tomber dans le grandiloquent. «Il faut avoir un certain goût dans ce sens. J’aime le côté grandiose, mais j’aime aussi la mesure. J’essaie d’être sobre, même lorsque je suis éclatant. C’est parfois difficile, mais c’est un exercice mental que je m’efforce de faire depuis des années. Parce que la musique moderne ne voulait plus de ces explosions, de cette exaltation. J’ai donc tenté de provoquer ces explosions, sans toutefois sombrer dans la décadence.»

La qualité est présente d’un bout à l’autre. Des créateurs aux interprètes (Lavoie, Bruno Pelletier, Luck Mervil, Garou, Hélène Ségara, Julie Zenatti, etc.), en passant par le metteur en scène (Gilles Maheu), le concepteur des éclairages (Alain Lortie), les arrangeurs, et même le producteur («Avec Charles Talar, c’est la première fois que j’ai l’impression de travailler avec un vrai producteur», avoue Plamondon).

La musique de Cocciante est très exigeante pour les interprètes. «Une musique complexe est inutile si elle ne porte pas d’émotions en elle. C’est vrai que certaines parties de Notre-Dame de Paris sont assez difficiles à interpréter, mais elles sont d’abord et avant tout porteuses d’émotions. Les gens ne demandent que ça: avoir beaucoup d’émotions, mais avec classe, sans être mièvre, mielleux ou pleurnichard.»

Beaucoup de chefs et beaucoup d’indiens
Cependant, comme le chantait Bashung, tout n’est pas rose chez les flamants roses. L’écriture de Notre-Dame de Paris s’est déroulée magnifiquement bien. Les deux créateurs furent particulièrement inspirés par l’histoire et par ce que l’autre amenait. Sachez, par exemple, que la musique de Belle traînait sur une cassette que Cocciante a remise à Plamondon il y a une dizaine d’années. Sur cette maquette, la chanson s’appelait Time. «Le défi, pour moi, c’était de trouver le bon mot pour remplacer le fameux Time», se rappelle Plamondon.

Le premier malentendu est alors survenu entre Plamondon et Cocciante. Sans que je sache exactement pourquoi. Ni l’un ni l’autre n’a voulu le dire. Mais, chose certaine, un coup l’écriture terminée, les deux créateurs n’étaient visiblement plus sur la même longueur d’ondes. Il faut dire que chacun des deux hommes a une longue carrière derrière lui et chacun a connu le succè; tous deux peuvent prétendre savoir ce qu’il faut à Notre-Dame de Paris pour qu’elle remporte les suffrages populaires. «Nous sommes actuellement comme dans une famille. On dit que oui, il y a quelque chose qui ne va pas, mais sans entrer dans les détails, avoue Cocciante. Parce qu’il y a une chose qui est supérieure à tout, et c’est le succès de Notre-Dame.» Plein d’hésitations dans la voix, le compositeur finit par dire que «Luc aime s’emparer des choses, il aime être prédominant… Cela dit, le livret de Notre-Dame de Paris est exceptionnel. Et, même si d’habitude je ne le dis pas, compte tenu de la situation, je me dois de dire que ma musique aussi est exceptionnelle.»

Il faut dire aussi que tous deux sont très directifs. Passionnément directifs. L’un et l’autre veulent le mieux pour Notre-Dame de Paris, mais ne s’entendent pas nécessairement sur ce qui doit être fait et comment ça doit être fait. On sait, par exemple, que Plamondon aime avoir un peu plus que son mot à dire sur la distribution des rôles. Cocciante aussi. Si la rumeur est exacte, paraît-il que Bruno Pelletier, à cause de l’incertitude du compositeur sur son cas, a dû passer plusieurs auditions. On a même parlé de sept ou huit…

Des situations comme celle-là, pendant le montage de Notre-Dame de Paris, l’équipe en a vécu des dizaines. Pour les arrangements, Cocciante aurait voulu quelque chose de symphonique. Plamondon, lui, aimait mieux quelque chose de plus moderne. Entre les deux, on a engagé Serge Pérathoner, qui a opté pour les percussions plutôt que la batterie conventionnelle, pour la mise à l’avant des guitares acoustiques et le retrait des électriques, etc. Entre les deux, Pérathoner a choisi l’ouvre et les chansons. Entre les deux, Pérathoner a probablement choisi, comme nous tous, le meilleur des deux mondes…

Jusqu’au 27 juin
Au Grand-Thâtre
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