Carl Craig : En avant toute!
Musique

Carl Craig : En avant toute!

Vous croyez que tout va trop vite? Attendez d’assister au grand événement que nous a réservé le Festival de Jazz pour cette dernière édition du millénaire. Il faut que les programmateurs du FIJM soient assez visionnaires et aient assez confiance en l’ouverture d’esprit du public montréalais pour présenter une expérience musicale comme celle à laquelle nous convient Carl Craig et son Innerzone Orchestra.

Originaire de Détroit, Craig est l’une des plus grosses pointures de la musique techno. Adepte de la multiplication des personnalités musicales (il a porté les pseudonymes Psyche, 69, Paperclip People), créateur de deux «classiques» de la musique électronique futuriste (Landcruising, en 95, et More Songs About Food and Revolutionary Art, en 97), et fondateur de son label Planet E, il s’évertue à influencer la manière dont les gens écoutent et perçoivent la musique depuis dix ans. Son projet Innerzone Orchestra (dans lequel il est entouré de musiciens jazz de la trempe de Fransisco Mora, Craig Taborn et Rodney Whitaker) est une rencontre du jazz, du techno et des rythmes afro-cubains.

Mais comme le premier disque de la formation (Programmed) ne sortira pas avant l’automne, laissons Craig nous en expliquer lui-même le concept: «On appelle ça de l’anti-jazz, en ce sens que ça ne correspond pas du tout à l’image du jazz que se font les gens lorsqu’ils écoutent la radio commerciale; tu sais, Kenny G et toute cette merde! Notre concept consiste plutôt à explorer de nouveaux territoires en expérimentant sur certains aspects du jazz, un peu comme le faisaient Miles Davis ou Herbie Hancock dans les années soixante-dix, mais en y ajoutant des éléments de musiques électroniques, avec beaucoup de travail sur les sons pour donner à l’ensemble une ambiance très spacy, très techno-jazz. Il ne faut surtout pas s’attendre à un spectacle techno! Parce qu’ils voient le nom de Carl Craig, les gens s’attendent à entendre des beats hard, de gros kick drums, et tout le reste, alors qu’il n’en est rien. L’idée, c’est de créer une musique de party, mais à un autre niveau. Un party pour l’esprit, et parfois pour danser. Mais n’imaginez pas que ce sera un rave.»

Si le territoire musical de Carl Craig fut, à l’origine, les clubs et les raves, il semble que ses nouvelles explorations, loin des planchers de danse, lui permettent de laisser libre cours à sa créativité en constante ébullition: «Tout ce que je fais dans la vie est axé sur la créativité. Si je conduis une auto, j’essaie de conduire de façon créative; si je vais pisser, j’essaie de faire de beaux cercles dans l’eau, tu vois ce que je veux dire? Et le problème avec le fait de faire de la musique seulement pour les clubs, c’est que ça peut devenir stagnant et ennuyeux très rapidement. Si quelque chose sort de l’ordinaire et marche bien, tu peux être certain qu’il y aura un paquet de producteurs qui vont s’arranger pour en faire des copies carbone. Je crois que le moment est venu pour que les gens soient plus créatifs et diffusent plus largement leurs produits; le futur, c’est maintenant, et on doit se l’approprier. En tant que musicien, c’est ce que je m’évertue à faire: je me sers du passé pour me fabriquer un futur bien à moi.»

Les influences jazz de Craig sont évidentes. Mais lorsqu’on lui demande s’il se sent plus près du jazz ou du techno, il répond que c’est le blues qui laisse davantage sa marque sur son travail: «Pour moi, le blues est l’expression naturelle de ma musique. C’est la racine de toutes les musiques américaines que l’on puisse imaginer. Que je fasse des beats, des mélodies ou des arrangements de toutes sortes, en finale, ce qui reste, c’est le blues. Plus que toute autre inflluence, plus que Miles Davis, Herbie Hancock ou Kraftwerk, toutes mes influences reviennent finalement au blues, car c’est ce qui vient de mon cour, de mon âme… Avec l’Innerzone Orchestra, ce qui nous guide, c’est un certain esprit, le même genre de motivation spirituelle que l’on peut retrouver dans les églises baptistes aux États-Unis. Si le terme de transe n’était pas autant associé aux raves, je décrirais notre musique comme du psychotic trance anti-jazz. Ça se passe à un niveau supérieur… Si ça se trouve, ajoute-t-il en rigolant, il y a des chances pour qu’au milieu du spectacle on se retrouve par terre pris de spasmes incontrôlables…»

Le 6 juillet prochain, dès 20 h 30, Carl Craig et sa bande (qui seront accompagné pour l’occasion d’un quatuor à cordes et de danseurs africains) monteront sur scène, devant la foule la plus importante qu’ils n’auront jamais eue. Et le centre-ville de Montréal, quant à lui, vivra certainement l’une des expériences musicales les plus spéciales de son histoire. Alors, nerveux, Carl? «Sûrement que je serai nerveux quelques minutes avant le spectacle, mais pour l’instant, ça va, je suis cool.»

Le 6 juillet
Au coin des rues Sainte-Catherine et Jeanne-Mance
Le 3 juillet (en D.J.)
Au Savoy du Métropolis
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