Tim Hagans : Souffle nouveau

«Le suspense de l’improvisation, voilà ce qui manque au jazz d’aujourd’hui. Toute la propension au rétro où le jazz s’est dirigé dernièrement fut probablement nécessaire, parce que personne ne veut voir le be-bop mourir. Mais la tendance fut, selon moi, trop axée sur une approbation convenue des gammes choisies et de l’acceptation générale du répertoire.» Pour donner suite à son audacieux plaidoyer, le trompettiste Tim Hagans a prêché par l’exemple en plongeant aveuglément dans l’insolite avec Animation Imagination, le projet drum’n’bass qu’il nous propose au Festival.

La participation active du producteur Bob Belden à ce disque n’est certainement pas étrangère à cette tendance. Belden, qui sort à peine d’une série de rééditions des albums de Miles Davis, dont le complexe Bitches Brew, est largement imprégné de l’aspect fusion de la musique de Davis: «Animation Imagination, c’est du jazz extrême, du jazz du moment, du gonzo jazz, de caricaturer Hagans. Bob et moi sommes de la même génération, c’est-à-dire que nous sommes nés durant les années cinquante (il a quarante-quatre ans), mais nous avons connu les années soixante, avec toute la musique étrange qui se faisait alors. Autrement dit, je n’ai pas été initié au jazz par la musique de Louis Armstrong ou le swing…»

Afin de susciter davantage la curiosité du souffleur de Philadelphie, Belden lui a refilé les albums de trois artistes incontournables: Roni Size, Cujo, et le dernier compact de Bill Laswell, Oscillations. «Le côté accrocheur de la trompette qui se moule au drum’n’bass est très important pour moi. J’adore jouer des sketches mélodiques sur ces tempos accélérés. J’ai juste à me fermer les yeux, jouer de façon bizarre, et laisser aller mon imagination, de dire Hagans. Personne ne savait à quoi s’attendre en studio. Nous n’avons jamais décidé au préalable sur quelle clé, quel tempo ou quelle ambiance nous allions improviser. C’est de cette façon que nous avons préservé un élément de suspense complètement frais. La plupart des pièces n’ont été jouées qu’une seule fois.»

Tim Hagans fut pendant longtemps membre des big bands de Stan Kenton et de Woody Herman, et collabora aussi activement dans les formations Steps Ahead et Yellowjackets. En 1994, Joe Lovano produisait No Words, le premier de ses quatre albums chez Blue Note; un an plus tard, Hagans récidivait avec son projet en trio, Audible Architecture, et, l’an dernier, il rendait hommage au trompettiste Freddie Hubbard avec Hubsongs: «Il faut dorénavant, pour les trompettistes, créer une musique vraiment distincte; il ne sert à rien de faire le même genre de disques que font Wallace Roney, Roy Hargrove ou Nicholas Payton.»

Le 3 juillet à 23 h
Au Gesù
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