Zebda : De la tête aux pieds
Musique

Zebda : De la tête aux pieds

Aux dernières FrancoFolies, lorsque je suis arrivé au Spectrum pour profiter des ultimes minutes du spectacle des Toulousains Zebda, j’avais rarement assisté à pareille démonstration de joie: vous étiez quelques centaines à vous agiter, à danser, à chanter et à vous libérer de vos tensions dans une atmosphère de fête éminemment sympathique. En quelques chansons, Zebda avait conquis le public montréalais, et il n’est pas du tout étonnant de les voir revenir si vite.

Au mois d’avril dernier, Moustapha était à siroter son énième café à la table du resto de l’hôtel montréalais où lui et son frère Hakim s’étaient arrêtés pour une visite promotionnelle. Tout sourire, il tentait de m’expliquer pourquoi, lorsque Zebda monte sur une scène, ça se transforme inévitablement en fiesta: «La seule recette que l’on connaisse, c’est l’intégrité. C’est-à-dire le plaisir réel que l’on prend. Et c’est certain que l’expérience de scène que l’on a acquise au fil des ans nous a permis d’atteindre à une certaine sérénité. Le plaisir, s’il est pris avec authenticité, les gens le reçoivent, et ils te le renvoient nécessairement. Et s’ils te le renvoient, tu vas en prendre plus, et tu vas pouvoir leur en redonner plus encore… C’est une espèce d’alchimie qui nous est essentielle lorsqu’on joue live. Et quand ça se passe moins bien, c’est toujours de notre faute; on se dit qu’il n’y a pas de mauvais public, il n’y a que de mauvais groupes.»

Mais attention: Zebda est loin, très loin d’être un groupe qui l’a eue facile. Plus de dix ans à parcourir la France pour convaincre les gens de leur pertinence; au moins un millier de spectacles à raffiner leur heureux mélange de rap, raï, ragga, rock, et chanson française, pour ne nommer que leurs influences les plus évidentes; mais, surtout, un acharnement à faire réfléchir autant qu’à faire danser. Les pieds sur terre et la tête dans les nuages, comme ils aiment bien le répéter. «C’est sûr qu’en dansant, durant un concert, les gens ne capteront peut-être pas les textes, explique Moustapha. Mais ils peuvent capter l’énergie. C’est une énergie implicitement politique, qui dit quelque chose par son métissage des cultures. Et c’est ça, la grande force de la musique: peu importe où l’on joue, l’énergie passe de la même manière, elle est universelle, elle a une dimension de tolérance, elle est donc nécessairement antifasciste.»

Mais avec Zebda, l’implication sociale ne se limite pas à la musique et aux concerts. Leur expérience d’artistes, ils la partagent avec les jeunes de leur quartier de Toulouse grâce au Tactikollectif, une structure autonome qu’ils ont mise en place avec d’autres gens comme eux, soucieux de favoriser l’expression artistique des jeunes défavorisés. «C’est un espace d’action et de réflexion pour amener la culture à son impact maximum. Pour que la culture joue son rôle dans la démocratie. Parce que la volonté politique, c’est souvent d’utiliser la culture pour que les jeunes ne volent pas, pour "les occuper"… Alors que nous, on veut que les jeunes s’émancipent à travers la culture, qu’ils s’ouvrent comme on s’est ouverts nous, grâce à la culture des mots et de la musique. C’est de la culture sociale, c’est une démarche à long terme.»

Malgré l’énergie et le propos engagé, et malgré l’urgence d’agir et de parler de choses pas forcément hop-la-vie, Zebda conserve toujours cet optimisme, cette envie de défoncer les barrières sans jamais présupposer la défaite. Un peu comme Magyd (l’auteur de tous les textes du groupe) le chante si bien dans la puissante chanson Je suis, tirée de leur plus récent album Essence ordinaire: «Je ne suis pas né le jour de ma naissance / Je suis né lorsque j’ai compris ma différence / Tout ça est bien en moi / Et c’est moi / Je suis / Je suis et ça ira! «C’est exactement cela, Zebda! s’exclame Moustapha. C’est vouloir regarder le monde avec lucidité, parler des choses qui nous semblent vraiment injustes; et puis il y a cette volonté de dire "l’espoir est là!" Survivre et vivre c’est important! C’est la joie du ghetto! La chanson, c’est aussi l’espoir! Nous, on pense que le message passe mieux de cette façon, c’est plus juste, plus honnête, parce que c’est pas moraliste. On veut respecter l’histoire des gens. Il y a une phrase qu’on aime bien répéter: "Qui pense, danse." Lorsqu’on sort d’un concert de Zebda, on doit être nourri, on doit y croire! Et un concert réussi, ça peut être de partir d’un public très chaud et que ça finisse en feu total. Ou alors, ça peut aussi être de partir de rien pour arriver à un sourire…» Peu importe comment ça se passera, le 10 juillet, au Métropolis, vous êtes donc presque assurés d’en sortir gagnants… et Zebda aussi!

Le 10 juillet
Au Métropolis
Voir calendrier Événements