São : «La belle pleureuse»
Musique

São : «La belle pleureuse»

«En la chantant, on finit par aimer sa tristesse, aimer sa souffrance.» En quelques mots, São vient de résumer l’esprit du fado, cette chanson portugaise langoureuse et nostalgique, rendue célèbre par la grande Amalia Rodriguez.

L’esprit du fado, São le porte en elle, comme en témoigne le très convaincant Paixão de Fado / Passion Fado, son premier album. Un album double, rien de moins, comportant une douzaine de fados présentés d’abord en version originale, donc portugaise, puis en version française.

Née aux Açores mais établie à Montréal depuis sa tendre enfance, la chanteuse a fait ses classes au sein de la chorale d’une église du Plateau Mont-Royal, avant d’animer elle-même des messes, à partir de quinze ans. «C’est là que j’ai développé ma voix, et que j’ai compris que l’on pouvait, par la musique, atteindre des régions très secrètes de l’âme.» Une démarche qui allait plus tard séduire André DiCesare, le grand patron des Disques Star, qui a vite cru au potentiel de São. Épaulé par Carlos Ferrera, il a donné à la jeune femme les moyens de concrétiser un album typé, très personnel. En effet, l’interprétation et les arrangements se démarquent d’une approche classique du genre.

Si le fado est avant tout une musique lancinante, remplie d’accents suaves et nostalgiques, on trouve, sur Paixão de Fado, beaucoup de rythme, des orchestrations plus contemporaines, entre autres sur la chanson Rasga O Passado (Déchire le passé). Mais au cour de la musique, il y a surtout cette voix magnifique, chaude et sensuelle, très émouvante.

Depuis la parution du disque, les compliments pleuvent. Francine Grimaldi voit en elle une nouvelle Amalia Rodriguez, Michel Marmen clame qu’elle est absolument exquise; tous lui reconnaissent un charisme fou. São n’en demandait pas tant: «Ça me dépasse un peu qu’on me compare, dès le départ, à mes idoles! Peut-être que le fado a cette force de toucher les gens au plus profond d’eux-mêmes et que leur appréciation de mon travail dépend de ça. Mais ça fait chaud au cour, c’est sûr.» Modeste, São.

Modeste mais audacieuse. La traduction du portugais au français, São tenait à l’accomplir elle-même. Elle s’est donc mise à la tâche, l’an dernier, sachant fort bien qu’elle devait s’éloigner autant que possible de la traduction littérale, que ne souffre guère la poésie. «C’était une idée un peu folle, c’est sûr. En fait, j’ai longtemps hésité entre l’interprétation française et la portugaise. Au début du projet avec les Disques Star, il était question de l’une ou l’autre. À un moment, j’ai décidé de faire les deux.» A-t-elle trouvé difficile d’évoquer en français l’esprit de ce chant intimement lié à l’âme portugaise? «Le français est une langue à sentiments. On l’appelle la langue de l’amour, non? Pour moi, il était relativement facile d’aller puiser des émotions qui sont incrustées au fond de nous tous, finalement, et de les traduire en français.» L’entreprise, dans laquelle certains verront une opération de marketing, trahit surtout le goût de partager, de transmettre aux autres, manifeste chez São. Peut-être un legs d’une éducation très pieuse.

Il y a une dimension religieuse importante dans le fado. São en prend et en laisse, mais y puise une grande sérénité: «J’ai été bercée là-dedans. Ma mère était très croyante, tout en gardant une ouverture d’esprit incroyable, envers toutes les religions. Je partage avec elle cette idée que la religion, c’est avant tout être bien avec soi-même et avec son prochain. Ça ne veut pas dire que je vais à la messe chaque semaine, ni que je parle du bon Dieu dans chaque chanson, mais je suis à l’aise avec ces valeurs, qui sont au cour du fado, d’ailleurs.»

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