Zebda : «Chroniques de l'engagement»
Musique

Zebda : «Chroniques de l’engagement»

La vie n’est pas toujours aussi rose que les immeubles de granit de Toulouse. Il y a le chômage, le désouvrement de la jeunesse, la pauvreté chronique et, bien sûr, le sentiment d’exclusion que ressentent les victimes d’attitudes xénophobes. Tout en posant un regard extralucide sur le quotidien grisâtre des banlieues de la «ville rose», Zebda a choisi de célébrer la vie. Le septuor toulousain fait danser ses chroniques sociopolitiques, à mille lieues du misérabilisme dans lequel s’embourbe une partie du mouvement hip-hop, sur des musiques hyper-dynamiques inspirées du rock, du funk, du raï et même du rap.

On commence à avoir l’habitude de ce métissage des styles auquel s’adonnent plusieurs groupes. Mais chez Zebda, le mélange découle moins d’un profond désir d’expérimentation sonore que de l’envie d’affirmer un parcours, sinon une histoire.

Trois des sept membres de Zebda, dont le parolier Magyd Cherfi, sont fils d’immigrés algériens. Nés en France, ils ont grandi au son des musiques occidentales, sans toutefois perdre le contact avec la culture de leurs parents. C’est grâce à l’avènement des échantillonneurs et autres systèmes de programmation sonore que la formation toulousaine, d’abord versée dans le rock, a pu renouer avec ses racines algériennes.

«Tout à coup, on s’est retrouvé avec une porte ouverte sur des influences qu’on pensait ne jamais pouvoir rattraper, commente Mustapha Amokrane, l’un des trois chanteurs de Zebda. Sans la technologie, je ne sais pas comment on aurait fait pour produire ce son. Il aurait fallu que Zebda soit un tout autre groupe. L’Orchestre national de Barbès, par exemple…»

L’utilisation des machines a un double avantage: en plus de permettre au groupe de puiser dans les riches et onduleuses sonorités arabes, l’intégration de boucles rythmiques et de séquences confère un aspect très moderne à la musique de Zebda. Le superbe Essence ordinaire, deuxième album des Toulousains à paraître au Québec, en est d’ailleurs l’exemple patent.

«L’idée de modernité dans notre son nous plaît beaucoup», avoue Mustapha. L’objectif de son groupe est simple: Zebda veut faire une musique aussi actuelle que les magnifiques textes de Magyd, qui dépeignent avec justesse et poésie la société française contemporaine.

Maux à mots
Pamphlet ou éditorial? Reportage ou témoignage? Décrire avec exactitude l’approche de Zebda en ce qui a trait aux questions sociales ou politiques n’est pas aisé. Les textes de Magyd Cherfi démasquent la démagogie, traquent les maux et décrivent des réalités souvent peu réjouissantes avec une délicatesse intransigeante. Malgré un douloureux sentiment d’exclusion – omniprésent dans les chansons de Zebda -, le parolier ne se contente pas d’étancher une colère en tenant des propos incendiaires. Les Toulousains font de la chanson engagée, certes, mais ils veulent dynamiser les choses et non les dynamiter.

«On adhère à la contradiction de dire des choses sérieuses tout en ayant le sens de l’humour ou en faisant la fête», explique Mustapha, qui se dit par ailleurs convaincu que le ressentiment n’est pas une solution. La subtile ironie que l’on décèle au détour d’un vers ou d’un couplet, il faut la lire comme une façon de soulager une indignation et non comme une envie de représailles.

«On veut faire de la musique dans un espace de fête et d’espoir, insiste Mustapha. On vit avec le sentiment qu’on a grandi dans des quartiers où tout n’était pas horrible. On a vécu une enfance heureuse, dans les rues, mais avec beaucoup de copains et une certaine liberté. Je crois que cette sensation que l’énergie est importante nous habite vraiment. On peut être pessimiste par rapport à certaines situations, mais nous ne sommes pas misérabilistes, nuance le chanteur. L’humanité relève toujours la tête.»

Le 9 juillet
À la scène Molson Dry
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