The Chemical Brothers : Frères d'armes
Musique

The Chemical Brothers : Frères d’armes

Le duo britannique est certainement le plus rock de toute la scène electronica. À moins qu’il ne soit le plus dance des groupes rock. Ou, plus simplement, le plus créatif de la scène pop.

Et si The Chemical Brothers était en train de faire, en ce moment même, la meilleure bande sonore imaginable pour cette fin de décennie?

Et si Surrender, leur troisième album (si l’on exclut le compact mixé Brother’s Gonna Work It Out), était le plus beau mélange (sans jamais tomber ni dans la confusion ni dans la fusion à la con) entre le rock, les musiques électroniques, le psychédélique et le dance?

Et si Surrender, grâce à ses nombreuses références (de Kraftwerk à Primal Scream, en passant par la French Touch et New Order), était le meilleur résumé possible de l’alliance rock et des nouvelles technologies, qui perdure depuis une vingtaine d’années?

Et si Surrender, grâce à ses onze chansons, représentait autant de facettes – inévitablement mobiles – de la musique pop contemporaine?

Pour réussir à ce point ce qu’ils font en ce moment, il faut peut-être remonter un peu dans l’histoire et se plonger dans l’Angleterre folle du début des années 90, alors que les Chemical Brothers (surnommés The Dust Brothers à l’époque) fréquentaient et faisaient les D.J. au célèbre club Heveanly Social. «C’est vraiment l’époque où je préférais agir comme D.J., avoue Ed Simons, celui qui a les cheveux frisés et foncés.

C’est vraiment une question de timing: nous jouions la bonne musique devant le bon public au bon moment. Beaucoup de gens que j’ai rencontrés à l’époque sont encore mes amis aujourd’hui.»

«Pour moi, être D.J. et composer ma musique, cela demande des aptitudes complètement différentes, même si, fondamentalement, la seule chose que nous faisons, dans un cas comme dans l’autre, c’est de programmer des blocs musicaux pour amener les gens aillleurs. Mais tout cela est lié, car lorsque nous tournons à travers le monde pour jouer notre propre musique, nous en profitons toujours pour acheter des disques…»

Même lorsque le duo effectue une tournée américaine et que, malgré tout le soutien de la presse, les musiques électroniques ne sont jamais devenues la next big thing tant espérée. «Les musiques électroniques sont, je crois, à un niveau respectable en ce moment aux États-Unis, soutient Ed. Toutes le musiques peuvent et doivent cohabiter. En fait, je n’aimerais pas que les musiques électroniques soient partout, dans toutes les radios. L’important, c’est que les décideurs à la MTV acceptent désormais beaucoup mieux le genre musical. Ils sont plus réceptifs face à toutes les musiques intrumentales, en général. Ce serait un problème si, par exemple, on ne pouvait pas se procurer le dernier Daft Punk. De toute façon, soyons sérieux, les musiques électroniques n’ont pas le potentiel pour devenir cette next big thing.»

La puissance d’une caresse
On avait déjà beaucoup aimé Exit Planet Dust, le premier disque des Frères chimiques. On avait vraiment flippé sur Dig Your Own Hole, le deuxième compact, encore plus fou, du duo britannique. Ce troisième opus, concocté par Ed Simons et Tom Rowlands (le grand blond aux lunettes jaunes), a de quoi nous déstabiliser. Extraordinaire comme ces deux grands malades ont tout compris et ne s’imposent plus de limites. Aujourd’hui, pour les Chemical, tout est bon: il suffit simplement de le mettre à sa main. «Nous avons effectivement voulu intégrer toutes sortes de musique sur Surrender pour que les gens se perdent dans ce disque, avoue Ed. Sur nos albums précédents, j’ai l’impression que nous n’avons exploité qu’une facette de notre talent: nous faisions une musique libératrice, puissante, cathartique. La musique sur Surrender reste puissante, mais pas comme un marteau-pilon. Elle peut parfois avoir la puissance d’une caresse.»

J’ai beau l’écouter et le réécouter, rien ne changet: sur Surrender, il n’y a rien à jeter. Les beats son omniprésents (sans toujours être big). Les sonorités sont psychédéliques à souhait (sans être obligatoirement acid). Les mélodies sont irrémédiablement accrocheuses (sans jamais tomber dans le cliché house). «Pour nous, si nous voulions garder de l’intérêt pour notre musique, il était essentiel de bouger un peu, poursuit Ed. Ce fut une impulsion très naturelle. Nous savons aussi qu’il y a tellement de formules toutes faites, de clichés dans la dance-music, que nous voulions aussi sonner le plus frais possible. Mais, tu le sais, lorsqu’un groupe lance un nouvel album, il dit toujours qu’il s’agit de son meilleur compact, de celui qui lui ressemble le plus. Aujourd’hui, je te dis la même chose, mais cette fois, pour nous, c’est vrai.»

Fondateurs d’un style, les Chemical Brothers sont tellement en avance sur tout le monde qu’ils réussissent même l’exploit de ne pas se répéter, même si Let Forever Be peut facilement être considérée comme étant la Setting Sun de Surrender (avec, dans les deux cas, la participation de Noel Gallagher d’Oasis).

Le renouvellement des Chemical Brothers passe aussi par des invités différents d’album en album. Sur Surrender, ils ont engagé Hope Sandoval de Mazzy Star (qui pourrait très bien tenir le rôle de Beth Orton sur les précédents compacts…), Barney Sumner de New Order, Bobbie Gillespie de Primal Scream, Jonathan Donahue de Mercury Rev, etc. «On ne sait pas chanter et nous aimons la musique pop avec des voix et des mélodies. Dans le cas d’Out of Control, nous trouvions que la musique avait un petit côté New Order. Et comme nous sommes de grands fans de ce groupe, nous avons donc pris tout notre courage pour appeler Barney Sumner, et l’inviter à chanter sur cette pièce. Non seulement il a chanté, mais il a aussi apporté sa guitare. Il s’est réellement investi totalement. Ce qui fait qu’entre ce que nous lui avons remis et la chanson telle que tu l’entends en ce moment, il y a une marge. Même chose sur Dream On avec Jonathan Donahue.»

Corps à corps
Si, musicalement, les Chemical Brothers atteignent régulièrement des sommets, il faut voir aussi quels effets cette musique produit sur le corps humain. Rarement ai-je entendu musique aussi stimulante. Chaque beat, chaque bleep, chaque break semble conçu dans un seul but: faire monter l’adrénaline. C’est pourquoi les disques des Chemical peuvent s’écouter à n’importe quel moment de la journée. Plus de café un matin? Pas besoin: écoutez Block Rockin’ Beats à haut volume! Vous vous préparez à sortir? Meilleur qu’un shooter, envoyez-vous Out of Control!

Si cela est vrai pour les besoins domestiques, en concert, c’est encore mieux.

Récemment, alors que le groupe amorçait sa tournée mondiale, à Paris, à l’entrée de La Cigale, on avait collé un avertissement: «Ce concert peut être dangereux pour les épileptiques.» Si la raison première de cette mise en garde est l’utilisation massive de stroboscopes, je ne suis pas sûr que, même avec un éclairage au néon, les épileptiques ne souffriraient pas d’entendre cette musique aussi saccadée que groovy, aussi propice à nous faire danser qu’à être écoutée, aussi forte en émotions que puissante en intensité. Ne cherchez pas meilleur spectacle à voir cet été.

Le 22 juillet
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