Youssou N'Dour : L'art contemporain
Musique

Youssou N’Dour : L’art contemporain

Après son très bon spectacle au Métropolis, dans le cadre des FrancoFolies, le chanteur sénégalais fait une petite tournée canadienne, qui le ramène à Montréal. Gratuitement. Impossible de ne pas en profiter…

«C’est toujours intéressant pour moi de rencontrer de nouveaux artistes. Je sais que Jean Leloup est une grande star au Québec, et je suis sûr qu’à la fin de la tournée, il y aura une belle communion entre nous.» Cette tournée dont parle le Sénégalais Youssou N’Dour porte le nom de Show de l’année de la francophonie canadienne. Une caravane francophile qui a invité aussi Polly-Esther de Saskatoon, Amérythme (un groupe instrumental!) de Moncton, et Alliance Ethnik de France.

«Pour une fois, de dire Youssou, on parle de la francophonie et non d’économie ou d’environnement, des domaines où l’Afrique est un peu derrière. Mais quand on arrive dans la musique, on n’est pas loin du sommet. La famille francophone se glorifie de la présence africaine, parce que la musique africaine est une force, une puissance très riche. Je pense que dans la francophonie – et bien ailleurs -, la musique africaine prend les devants, parce qu’elle voyage mieux. Donc, j’en revendique une très grande part.»

La plus belle voix du continent africain était encore à Montréal le 10 août dernier, afin de répéter avec ses nouveaux amis. Imaginez: le grand Youssou, quelques jours après son magnifique concert aux FrancoFolies, était là, chez Solotech, avec l’amplitude de son chant humaniste, son bagage de collaborations célèbres. Celui dont on aime affirmer qu’il est le grand responsable des unions musicales Occident-Afrique. Adulé comme un prince à Dakar. Celui qui chante avec Peter Gabriel sur In Your Eyes et Shakin’ the Tree; et avec Neneh Cherry sur une des plus belles chansons d’amour, Seven Seconds; et qui a subjugué la planète avec son m’balax chanté en wolof et sa pop internationale.

«Dakar a une émotion qui va toujours me manquer, et c’est pourquoi je tiens à y vivre. Quand je marche dans ses rues, les choses me parlent. J’ai bien réfléchi au sujet de ma carrière, j’ai beaucoup voyagé… Je suis un artiste qui s’intéresse au monde. À tout le monde. Chez nous, comme partout ailleurs, il y a un aéroport, et je n’ai qu’à prendre un avion si j’ai besoin de le faire. Faut dire aussi que ma famille est là-bas.»

«Au départ, il n’y avait pas de calcul, de confier le musicien de trente-neuf ans. Il n’y avait pas d’ambition en moi. Je jouais de la musique pour être connu dans mon quartier. Ma musique est sortie du Sénégal, et j’ai pris les choses comme elles sont venues. Les Occidentaux, je ne connaissais pas leurs musiques, donc eux seuls pouvaient venir à moi. J’ai essayé de donner quelque chose de moi et de prendre quelque chose d’eux. Peter Gabriel (qui renoue avec Youssou sur son prochain disque) est pour moi le grand promoteur de cette musique du monde. Il a fait un travail énorme.»

«Depuis l’album Wommat (Le Guide), paru en 1994, il n’y a rien eu parce que c’est un album qui a beaucoup plus de vies que les autres, donc je l’ai laissé un peu vivre. Mais j’ai eu des projets en Afrique, des musiques de films, etc. Pour moi, ces cinq dernières années ont passé très rapidement. Cela dit, j’ai terminé mon prochain album, qui est basé sur le thème du village à la ville, mais je n’ai pas encore trouvé le titre. Où que je sois, ma voix représentera toujours cette couleur m’balax et les percussions (avec le grain du tambour d’aisselle) jouent encore un grand rôle dans mes collaborations.»

«Ce qui se passe dans ma tête en ce moment, c’est une certaine évolution de la rue. C’est le côté ‘urbain. On se doit un tout petit peu de surprendre et d’apporter quelque chose de nouveau, et ça c’est mon souci permanent. En concert, surtout avant la sortie d’un nouveau disque, j’essaie de faire un pot-pourri des chansons dans lesquelles les gens peuvent se retrouver. Je n’aime pas vivre avec une chanson telle quelle pendant plusieurs années, je cherche plutôt à la modifier.»

«Selon moi, de résumer Youssou, l’Afrique avait besoin de notre génération pour revendiquer une seule musique moderne et une image un peu plus positive. J’aimerais que ma musique apporte aux gens autre chose que les clichés habituellement véhiculés au sujet de l’Afrique. C’est lourd de savoir que les gens comptent sur moi. Je n’avais pas prévu d’être dans cette position, mais je suis fier de voir des musiciens africains me regarder et se dire: "Pourquoi pas moi?"»

Le 27 août
Au Vieux-Port