The Beta Band : Mars attaque!
Musique

The Beta Band : Mars attaque!

L’un des groupes les plus étranges et les plus fascinants à nous venir de Grande-Bretagne au cours des dernières années passe par Montréal cette semaine. Rencontre avec nos Martiens favoris.

Arrivé un peu comme un cheveu sur la soupe, The Beta Band, qui regroupe trois Écossais et un Britannique, est un véritable objet sonore non identifié. La meilleure preuve de cela est l’incapacité totale – et pour tout le monde – de trouver un nom à la musique du groupe. Même la compagnie de disques, plutôt que de nommer la chose, y va avec une énumération de personnes ayant influencé le Beta Band: de Mohamed Ali à Chevy Chase, en passant par Frank Zappa, Elvis Presley, Rick Moranis, Jason Pollock, AC/DC ou A Guy Called Gerald!
Indescriptible, la musique du Beta Band? Oui. Probablement parce que pour une rare fois, c’est vraiment le travail collectif qui est mis de l’avant. Jamais dans les pochettes des deux compacts du groupe mis sur le marché canadien récemment (Three E.P.’s et The Beta Band), on trouve les noms des membres de la formation et des instruments dont chacun joue. Juste pour les replacer, les voici donc: Stephen Mason chante et tient la guitare; Richard Greentree joue de la basse; Robin Jones est derrière la batterie; tandis que John McLean s’occupe des échantillonnages et de tous les bidouillages électroniques.

«Nous faisons tout nous-mêmes, dit Robin Jones. Notre musique, évidemment, mais aussi nos pochettes, nos vidéos, etc. Mais ça devient de plus en plus difficile, parce que la bête que nous avons créée grossit sans arrêt…»

Lorsque j’ai joint Robin Jones, le batteur, à son domicile londonien, connaissant le décalage horaire, sa première question fut: «Alors, tu as bien dormi?» Je me disais que ça commençait bien. Et s’il m’entraînait dans un délire continuel pendant vingt minutes? Et si je n’étais pas capable de lui tirer la moindre information? Et s’il était juste trop stone pour pouvoir dire quoi que ce soit d’intelligible? «Nous ne prenons pas de drogue, avoue-t-il subitement. Est-ce que les drogués font une telle musique? Comme si la drogue était nécessairement créatrice. Comment veux-tu faire un disque comme celui-là en étant stone? Selon moi, c’est carrément impossible. Il faut avoir les idées claires, savoir où tu vas et quel chemin tu prends pour y aller.»

En fait, si la musique du Beta Band échappe à toute description, c’est aussi que le quartette ne se refuse rien. Prenez The Beta Band Rap, la pièce qui ouvre le premier album officiel du groupe: ça commence presque comme une chanson de Noël avec clochettes, mélodie insipide, et tout le tralala; puis, sans que l’on s’en aperçoive vraiment, la chanson dérape vers un hip-hop un peu à la Beck, c’est-à-dire sans se prendre non plus pour un B-boy tout droit sorti de Harlem. Ensuite, sur un rythme de basse, on retourne vers une espèce de rockabilly de garage, avec une voix de crooner à la Elvis Presley, sans toutefois tomber dans la parodie à la Tortelvis de Dread Zeppelin. Tout ça en quatre minutes et demie! Et je ne vous raconte pas la suite…

«On essaie effectivement de toujours bouger, dit Robin. On veut ainsi garder notre enthousiasme intact, plutôt que de suivre à la lettre le livre de recettes. On a travaillé très fort pour éviter ce fameux livre de recettes. On a dû lutter avec nos instruments – des instruments tellement gigantesques qu’on ne peut même pas nommer! – sur le plancher du studio!»

Vous avez aussi fort probablement lu quelque part que le Beta Band n’aimait pas son album. «Faux. On faisait une entrevue avec une journaliste qui tripait énormément sur le disque. Comme on trouvait sa réaction un peu exagérée, on l’a juste un tout petit peu niaisée… Cela dit, il est vrai que nous sommes un peu déçus. Mais il me semble que c’est normal de ne pas trouver notre album aussi bon qu’on l’avait imaginé. Il faut être honnête quand même. Ce n’est que notre premier album, après tout…»

Une des choses qui fait vraiment plaisir à Jones, c’est de savoir que nous n’avons pas été trop pollués par la folie médiatique ayant entouré la parution du compact du Beta Band. Il est sous l’iimpression, comme il n’a jamais joué ici, que le groupe arrive plutôt vierge et que les gens sont ouverts à la découverte. Je ne pouvais pas vraiment l’obstiner, le mystère Beta Band restant entier pour chacun de nous, tant que nous ne l’avons pas vu en concert. «J’aime bien que les gens n’aient pas trop d’attentes face à nos spectacles. Nous ne sommes pas des entertainers. Par contre, je peux dire que si quelqu’un passe devant la salle où nous jouons, pousse la porte, et écoute le spectacle, il passera l’une des plus belles soirées de sa vie. Il faut venir d’abord et avant tout pour écouter la musique.»

Pour le spectacle de ce week-end au Cabaret, mieux vaut ne pas s’attendre à ce que le Beta Band refasse les chansons connues dans les versions que l’on connaît également. Tout bêtement impossible. «Ne serait-ce qu’à cause du volume sonore, en concert, ça sonne très différemment. Mais, attention, nous sommes pas non plus le genre de groupe à jammer sans arrêt. Tout cela est très structuré, avec des projections pour chacune des chansons, etc.»

Est-ce que ça veut dire que nous aurons des extraits de films de Chevy Chase pendant le concert? Robin Jones n’a pas répondu. Il a simplement éclaté de rire…

Le 5 septembre
Au Cabaret
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