Musique

Prise de son : La folie des glandeurs

Vers 21 h 45, dimanche soir, au Cabaret, on annonce que le spectacle du Beta Band – le show le plus attendu de la semaine – est annulé: le chanteur souffre d’un empoisonnement alimentaire et ne peut se présenter sur scène. Énorme déception dans la salle. On aurait vraiment aimé voir ce que The Beta Band, un des groupes les plus excitants issus de l’Angleterre hors de la scène électronica, donne en concert. Dommage.

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Parce qu’on avait déjà commandé une bière, on glande un peu sur place, on écoute machinalement le D.J. (pas très bon) qui spinne des vieux trucs des années 70. Puis, petit à petit, du mouvement se crée sur scène: l’un se met à taper sur des tam-tams, l’autre s’assied derrière la batterie, un autre prend la basse. Tranquillement, les choses semblent vouloir s’organiser, et le Beta Band, malgré l’absence du chanteur, donne l’impression de vouloir jammer…

À ce moment-ci, on a un peu de difficulté à savoir qui est membre du groupe, et qui fait partie du personnel de tournée. Le grand qui souffle dans la trompette? Non, celui-là doit être un roadie. Le D.J.? Oui, oui, lui doit faire partie du groupe. Pendant ce temps, étonnamment, la musique se construit sur scène. Rythmes plutôt lents mais funky; tous les musiciens sur des percussions, sauf le trompettiste, seul responsable mélodique. Et ça décolle sérieusement…

Ça a duré comme ça pendant une quarantaine de minutes, le groupe improvisant sur ses propres chansons (The House Song, entre autres). Plutôt maladroitement, mais avec beaucoup de ferveur et de concentration. Pas un vrai spectacle, ni réellement un jam, pas plus qu’une répétition publique ou un grand exercice d’improvisation.

Quelque chose comme une visite – loin d’être guidée – dans les fondations du Beta Band. Comme si on vous parachutait au milieu d’un labyrinthe, sans carte ni boussole, avec uniquement votre instinct pour vous y retrouver. La grande chance que j’avais, c’était de connaître un peu les plans de l’édifice érigé par le Beta Band.

On y reconnaît sans peine cette façon de faire qui imite la paresse, mais on sent aussi très bien le travail pour arriver à un tel simulacre. On identifie le fini faussement fissuré. On voit bien que la patine est flambant neuve, même si elle s’inspire de vieilles textures.

Pendant une quarantaine de minutes, le Beta Band nous a fait croire que l’on pouvait visiter son laboratoire. Illusion d’optique. Jamais le groupe n’a vraiment plongé dans l’exercice périlleux du sans filet. Toujours, il a été sur ses gardes, ne présentant que ce qu’il voulait bien nous montrer: ses limites, évidemment, mais aussi un semblant de désordre, comme si le canevas pouvait être aussi intéressant que le produit fini. Là aussi, illusion totale.
On croyait assister à un événement: rares sont les groupes qui prennent le risque de jammer en public. Mais d’événement, il n’y a pas eu. The Beta Band a dressé un écran de fumée, et nous sommes plusieurs à être tombés dans le piège.

Il faut maintenant les ramener à Montréal: on veut désormais savoir ce que le Beta Band a vraiment dans le corps…

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Mardi dernier, au Petit Campus, visite impromptue de la formation française Aston-Villa, qui nous avait donné, il y a trois ans, le succès Résonne. Le deuxième album du groupe est paru en France au printemps dernier, il sortira dans quelques semaines ici. Aston-Villa a simplement profité d’une invitation à se produire à Moncton, pendant le Sommet de la francophonie, pour faire une courte escale montréalaise, histoire de se présenter à son nouveau distributeur québécois, Sony.

Si, lors de son premier passage en terre montréalaise, Aston-Villa me semblait un autre de ces enfants de la fusion à la française (voir Mass Hysteria, Lofofora, Oneyed jack et une foultitude d’autres), avec, pour seule et énorme différence, un chanteur qui chante vraiment (avec une voix qui n’est pas sans rappeler celle de Daran) et qui ne gueule pas, cette fois-ci, la donne est différente.

Malgré une sonorisation un peu déficiente (pas assez de rythmique, trop de guitares), Aston-Villa carbure encore à l’énergie brute, mais s’est certainement adouci, misant encore plus qu’auparavant sur l’aspect mélodique de ses chansons, laissant derrière la hargne habituellement réservée à ceux qui donnent dans le rap-métal fusionnel. Aston-Villa écrit désormais des chansons, des vraies, et c’est ce qu’il a envie de mettre de l’avant.

Question: est-ce la seule façon de se sortir du plan fusion qui commence à s’étirer dangereusement? Une partie de la réponse vendredi soir, au Spectrum, avec la venue de Mass Hysteria.